Le gouvernement afghan a annoncé lundi la mise en place d'une unité spécialisée dans la lutte contre la corruption, après d'intenses pressions de la communauté internationale pour mettre un terme à ce fléau, endémique jusqu'au plus haut sommet de l'État.

Ce département composé de policiers et de membres des services de renseignement travaillera en coordination avec le ministère de la Justice et la Cour suprême afghane, a annoncé le ministre de l'Intérieur Mohammad Hanif Atmar, au cours d'une conférence de presse à Kaboul. «Nous faisons aujourd'hui un pas de géant en annonçant la création de cette force déterminante au sein de la police criminelle», a-t-il assuré, précisant que la nouvelle unité bénéficie du soutien du FBI, la police fédérale américaine, de Scotland Yard en Grande-Bretagne et d'EUPOL, la mission de police de l'Union européenne en Afghanistan, chargée essentiellement de la formation des policiers afghans.

«Le président Karzaï a décidé de consacrer les cinq années de son nouveau mandat à combattre la corruption, c'est sa priorité», a souligné le ministre de l'Intérieur.

«L'unité des crimes graves» enquêtera sur les cas de corruption, les enlèvements et la criminalité organisée.

Cette annonce intervient alors que la réélection du président Karzaï, dans un contexte de fraudes massives lors du scrutin présidentiel du 20 août, a déclenché les foudres des principaux pourvoyeurs de troupes au sein des forces internationales qui combattent l'insurrection des talibans et des principaux bailleurs de fonds de l'Afghanistan.

M. Karzaï, réélu par défaut après l'abandon de son rival avant le second tour en raison de ces fraudes, a essuyé une volée de bois vert de la part -États-Unis en tête- de la communauté internationale, qui l'avait installé à la tête du pays fin 2001 après avoir chassé les talibans du pouvoir, et qui le soutenait inconditionnellement depuis.

L'administration à tous les étages, mais aussi et surtout le gouvernement et les autorités qui dirigent les provinces, sont régulièrement accusés de corruption, jusqu'aux proches de M. Karzaï.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a même prévenu dimanche, quatre jours avant la prestation de serment de M. Karzaï, que l'aide financière américaine serait désormais conditionnée aux efforts en matière de lutte contre la corruption.

«La corruption n'est pas une question qui pose problème entre les autorités afghanes et la communauté internationale, c'est une question entre les institutions afghanes et le peuple afghan», a jugé l'ambassadeur britannique, Mark Sedwill, lors de la conférence de presse.

Pour sa part, l'ambassadeur américain Karl Eikenberry a estimé que «combattre la corruption est une question de volonté et d'intégrité. Les institutions doivent être au service de la population et non des intérêts particuliers».

Mais le ministre de l'Intérieur a insisté sur le fait que la nouvelle unité n'avait pas été créée «en raison des pressions étrangères, mais pour le bien du peuple afghan».

«L'idée est que les personnes qui seraient impliqués dans des activités de corruption, au plus haut niveau, doivent faire l'objet d'enquête et être jugées et punies si elles sont reconnues coupables», a expliqué M. Atmar.

«Au cours des six derniers mois, plus de 100 policiers qui pillaient les biens de la nation ont été arrêtés et condamnés, dont plusieurs généraux et hauts responsables», a-t-il d'ailleurs annoncé.