La méfiance envers le dirigeant afghan Hamid Karzaï a pris une telle ampleur qu'elle fracture le conseil de guerre de Barack Obama et force le président américain à réviser ses options avant de décider de déployer peut-être des dizaines de milliers de soldats supplémentaires.

Devant les doutes quant à la crédibilité du partenaire afghan, M. Obama a demandé mercredi à ses collaborateurs de revoir les quatre stratégies qu'ils lui soumettaient et de «combiner» ce qu'elles avaient de meilleur, ont dit jeudi son porte-parole et son secrétaire à la Défense Robert Gibbs et Robert Gates.

Il leur a aussi demandé des stratégies de sortie d'un conflit qui, loin d'offrir une perspective de fin malgré huit ans de combat, est de plus en plus sanglant pour les Américains.

M. Obama entend faire comprendre clairement que «cela fait huit ans que nous sommes là-bas, et nous n'allons pas y rester indéfiniment. Il est important de se pencher complètement sur la manière dont nous allons envoyer des gars là-bas, mais aussi dont nous allons les faire revenir», a dit M. Gibbs.

C'est un message à l'attention de M. Karzaï, qui doit faire sa part du travail; les Etats-Unis veulent un «bon et véritable partenaire», a dit M. Gibbs.

C'est un message également destiné à l'opinion américaine, de plus en plus hostile à cette guerre que M. Obama juge, lui, nécessaire.

M. Obama a réuni mercredi un huitième conseil de guerre sur l'Afghanistan. Quatre propositions lui ont été présentées, avec les effectifs supplémentaires que chacune implique et qui iraient de 10 000 à 40 000 environ.

M. Obama n'a souscrit à aucune d'elles. En a-t-il rejeté une ou plusieurs?

«Je dirais que l'idée, c'était plutôt: pouvons nous combiner les meilleures parties de plusieurs de ces options pour parvenir au meilleur résultat possible», a dit M. Gates.

Il y a encore du travail à faire, mais «je crois que nous approchons de la fin du processus», a souligné M. Gates.

M. Obama a quitté Washington jeudi pour une tournée d'une semaine en Asie sans avoir tranché. Sa décision serait encore une affaire de semaines. Il ne la prendra pas en Asie, mais y poursuivra ses consulations, a dit son porte-parole, selon qui la tenue d'un nouveau conseil de guerre est «probablement nécessaire», a-t-il ajouté.

La Maison Blanche convient qu'elle pensait aller plus vite. Mais le peu d'empressement montré par M. Karzaï à combattre la corruption et la fraude massive qui a entaché sa réélection ont renforcé la répugnance à s'impliquer davantage et ont conduit M. Obama à chercher plus de garanties.

Pour beaucoup, des renforts ne changeront pas grand-chose à la situation sans engagement de M. Karzaï à lutter contre la corruption ou le trafic de drogue, dont profitent les talibans.

Cette inquiétude s'est exprimée dans la publication, par la presse, de la teneur de messages envoyés à Washington par l'ambassadeur américain à Kaboul, Karl Eikenberry, qui y fait part de ses vives réticences à un nouvel effort militaire américain.

Ces messages l'opposent à l'actuel commandant américain, le général Stanley McChrystal, qui préconiserait l'envoi de 40 000 soldats, en plus des 68 000 déjà sur place.

Jusqu'alors, la Maison Blanche a seulement signifié qu'une réduction des effectifs ne faisait pas partie des scénarios envisageables.

Cela prive a priori M. Obama d'un moyen de pression considérable sur M. Karzaï qui, sans les Américains, aurait du mal à garder le pouvoir. La question est de savoir de quels autres moyens M. Obama dispose.