Avec ses grandes lunettes, sa voix douce et une médaille d'or remportée aux Olympiades de mathématiques en poche, Mahmoud Vahidnia a plus le profil d'un étudiant modèle que d'un grand rebelle. Pourtant, depuis la semaine dernière, l'étudiant iranien est la nouvelle coqueluche du mouvement d'opposition politique de son pays.

Le 28 octobre, l'étudiant en mathématiques de l'Université technique Sharif, à Téhéran, a osé faire ce que personne n'a fait depuis l'établissement de la République islamique il y a 30 ans: il a critiqué directement le leader suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei.

 

«Je ne sais pas pourquoi dans ce pays, il n'est pas permis de vous critiquer», a lancé le jeune Iranien, sur un ton calme, à l'homme qui tient les rênes de l'Iran depuis 1989.

Mahmoud Vahidnia a aussi réprimandé l'ayatollah Khamenei pour sa réaction aux manifestations de l'été dernier, manifestations au cours desquelles près de 70 personnes ont été tuées. «Si, vous, qui avez le rôle d'un père, vous agissez ainsi avec vos opposants, vos subordonnés agiront certainement de la même façon, comme nous avons pu le voir dans les prisons», a lancé l'étudiant, faisant référence aux allégations de viol et de torture qui ont fait surface au cours des derniers mois.

Ces accusations, prononcées au visage du leader politique et religieux, en ont laissé plus d'un pantois.

«Il y a déjà au des critiques délavées du guide suprême, mais personne n'avait remis en question son autorité de manière aussi directe. Un des plus grands tabous de la République islamique a été cassé», analysait, hier, Houchang Hassan-Yari, expert de l'Iran du Collège militaire royal de Kingston, notant que le mathématicien en herbe est du coup devenu un symbole de la contestation qui secoue l'Iran depuis les élections présidentielles controversées de juin. 

Photo: archives Reuters

L'ayatollah Ali Khamenei.

Trié sur le volet

C'est au cours d'une séance questions/réponses organisée dans le cadre d'un forum réservé à l'élite intellectuelle iranienne que Mahmoud Vahidnia a interpellé l'ayatollah Khamenei.

Les invités à ce genre d'événements, réglés au quart de tour, sont en règle générale choisis parmi les fidèles du régime islamique, explique le professeur Hassan-Yari. Mahmoud Vahidnia semble avoir échappé à la vigilance de la police des moeurs pour se lancer dans sa longue attaque de 20 minutes à l'endroit du leader de 70 ans.

Les Iraniens qui regardaient la télévision d'État ce jour-là ont pu entendre les premières minutes de la confrontation entre l'étudiant et le numéro 1 du régime. Après quelques minutes, cependant, la diffusion a été interrompue.

L'ayatollah a répondu à certaines des critiques du jeune homme. «Nous sommes ouverts aux critiques. J'en reçois d'ailleurs déjà beaucoup», a assuré le leader politique et religieux iranien.

Dans les jours qui ont suivi, l'intervention de Vahidnia a soulevé beaucoup de questions au sein de l'opposition et des médias iraniens. Est-ce que son coup de gueule avait été planifié par un gouvernement qui veut redorer son blason en se montrant tolérant?

Le fait que le jeune homme n'a pas été arrêté a fait naître des soupçons. Insulter le guide suprême est un crime passible d'emprisonnement. La réaction de surprise de l'ayatollah Khamenei et son départ précipité de la séance questions/réponses ont fait taire plusieurs sceptiques.