Les autorités électorales afghanes ont déclaré lundi le chef de l'État sortant Hamid Karzaï vainqueur de l'élection présidentielle, après le retrait dimanche, à quelques jours du second tour, de son rival Abdullah Abdullah, qui invoquait des risques de fraude massive.

«Nous déclarons que M. Hamid Karzaï, qui a rassemblé la majorité des voix au premier tour, et qui est le seul candidat présent au second tour, est le président élu d'Afghanistan», a déclaré Azizullah Ludin, le président de la Commission indépendante électorale (IEC), chargée de l'organisation du scrutin et de la proclamation des résultats.

Cette annonce intervient plus de deux mois après le calamiteux premier tour du 20 août, entaché de violences des talibans, d'une faible participation (38,7%) et de fraudes massives, en grande majorité au profit de M. Karzaï, au point qu'un quart des bulletins de vote au total - et un tiers de ceux du sortant - avait dû être annulé.

Nommé par M. Karzaï, dont il est un ancien conseiller, et accusé de le favoriser tout au long de ce douloureux processus, M. Ludin a indiqué que la décision a été prise en accord avec la loi électorale et la constitution afghanes, «dans le plus haut intérêt du peuple afghan», et au vu des risques de fraude et de violences que présentait la tenue d'un second tour.

«L'annonce surprise de son excellence le Dr. Abdullah Abdullah (...) présentait de grandes difficultés quant à l'organisation d'un second tour», a-t-il expliqué, précisant que «tous les membres de l'IEC ont atteint un consensus» sur cette décision.

L'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah avait annoncé dimanche qu'il ne participerait pas au second tour, initialement prévu samedi prochain, après le refus de M. Karzaï de prendre en compte ses demandes visant à limiter les fraudes.

M. Abdullah demandait notamment le renvoi de M. Ludin et la fermeture des bureaux de vote fantômes.

Les observateurs jugeaient que les demandes de M. Abdullah étaient tellement élevées qu'elles s'apparentaient à une volonté de ne pas concourir.

Au premier tour, M. Karzaï avait rassemblé 49,67% des voix, contre 30,59% à M. Abdullah. Ce dernier aurait probablement été battu lors d'un éventuel second tour, estiment les experts.

Le chef de l'État sortant, convaincu d'avoir gagné au premier tour, n'avait accepté la tenue d'un second tour qu'après de fortes pressions internationales.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, arrivé lundi matin à Kaboul, a salué l'annulation du second tour et félicité le vainqueur, l'appelant à «rapidement former un gouvernement qui sera soutenu à la fois par le peuple afghan et la communauté internationale».

«Le processus électoral a été difficile pour l'Afghanistan et des leçons doivent en être tirées», a-t-il ajouté.

Cette élection par défaut met fin à plus de deux mois d'une crise politique aiguë qui a vu se multiplier au coeur même de Kaboul, zone sans doute la plus sécurisée d'Afghanistan, les attaques des talibans qui avaient juré de déstabiliser le processus électoral.

Sa réélection risque de ne donner qu'une faible légitimité à M. Karzaï, installé aux commandes du pays fin 2001 par les puissances occidentales, lorsqu'une coalition internationale menée par les États-Unis avait chassé les talibans du pouvoir qu'ils détenaient depuis 1996.

Pour renforcer son pouvoir affaibli, il pourrait tenter de monter un gouvernement d'union nationale avec M. Abdullah, hypothèse évoquée régulièrement ces dernières semaines.

Ce dernier a laissé la porte ouverte dimanche à cette option, même si sa propre participation à une administration Karzaï semble peu probable maintenant qu'il s'est construit une stature de principal opposant, jugent les observateurs.

Avant l'annonce de sa victoire, le flou le plus complet régnait lundi sur la suite des événements. Dimanche soir encore, l'IEC assurait qu'un second tour se tiendrait samedi prochain.

Mais un second tour à un seul candidat aurait confiné à l'absurde. «C'est comme un match de boxe en 15 rounds dans lequel un des deux combattants dit au bout de 12 rounds +je m'en vais+ (...). La question est de savoir si le match doit s'arrêter ou non», expliquait ainsi un diplomate européen sous couvert d'anonymat.