L'Iran et les six grandes puissances chargées des discussions sur le programme nucléaire de la République islamique se rencontrent aujourd'hui à Genève. Objectif: remettre en marche les négociations sur le programme nucléaire iranien. Les pourparlers s'annoncent difficiles. Les grandes puissances sont plus méfiantes que jamais et le régime de Téhéran, comme la majorité des Iraniens, est convaincu de son droit à enrichir de l'uranium.

«Expliquez-moi quelque chose: pourquoi une république bananière comme le Pakistan aurait-elle le droit d'avoir une bombe nucléaire alors que l'Iran, qui est une puissance régionale, ne pourrait pas enrichir de l'uranium?»

La question n'est pas celle d'un analyste politique iranien favorable au gouvernement du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, mais celle d'une adolescente de 17 ans, rencontrée dans l'un des restaurants les plus en vogue à Ispahan, lors d'un séjour en Iran.

Avec son voile poussé loin sur son front, révélant des mèches blondes dans ses cheveux, l'étudiante avait davantage l'air d'une des manifestantes qui a pris part à la contestation des élections présidentielles cet été qu'à une disciple de l'ayatollah Khomeyni.

À elle seule, cette jeune Iranienne démontre que le programme nucléaire iranien a des partisans même dans les couches les plus libérales de la société iranienne. Un constat que confirme un tout récent sondage réalisé par WorldPublicOpinion.org, un institut lié à l'Université du Maryland aux États-Unis.

Enrichir et inspecter

Après avoir interrogé plus de 1000 Iraniens âgés de plus de 18 ans au début du mois de septembre, les chercheurs ont constaté que 97% des personnes sondées sont favorables à la mise au point d'un programme nucléaire civil dans leur pays.

Si seulement un Iranien sur trois considère que l'obtention d'une bombe atomique devrait être l'objectif du gouvernement, plus des deux tiers des adultes qui ont répondu au sondage estiment que l'Iran a le droit d'enrichir de l'uranium. Plus de six Iraniens sur dix ne s'opposent cependant pas à la présence des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

Les affiliations politiques semblent avoir peu d'impact sur l'opinion des sondés, et ce, malgré le tumulte politique qu'a récemment traversé l'Iran. «Ceux qui soutiennent Ahmadinejad ou son principal rival, Mir Hossein Moussavi, ont à peu près les mêmes opinions. Sur de larges pans de la question nucléaire, il y a un consensus en Iran», note le directeur de WorldPublicOpinion.org, Stephen Kull.

Pourquoi? «Beaucoup d'Iraniens croient que le programme nucléaire devrait d'abord donner une nouvelle source d'énergie au pays, mais plusieurs pensent que c'est aussi une bonne chose d'être un pas plus près de l'obtention d'une bombe. L'Iran pourrait ainsi obtenir plus de prestige, de respect. Il y a aussi l'effet dissuasif pour les pays qui songeraient à attaquer l'Iran», note le chercheur, qui a rencontré par petits groupes des citoyens iraniens pour mieux comprendre leur raisonnement.

Nourri par la censure

Conscient du nationalisme que réveille parmi sa population le programme nucléaire, le gouvernement iranien a plus d'une fois testé des missiles ou plaidé son droit à enrichir de l'uranium lorsque sa popularité était ébranlée à l'interne. Par ailleurs, le régime de Téhéran a pris les grands moyens pour que la question reste consensuelle. «Par ordre du Conseil suprême de la sécurité nationale, les médias iraniens peuvent seulement publier la position du gouvernement», explique Houchang Hassan-Yari, expert de l'Iran au Collège royal militaire de Kingston. Une absence de débat qui sert les intérêts des négociateurs iraniens qui reprendront du service aujourd'hui à Genève, forts d'une opinion publique quasi monolithique.