Pas d'image vidéo, mais une voix qui serait bien la sienne. Oussama ben Laden a parlé dans un message diffusé dimanche sur des forums de combattants djihadistes. Son discours, selon les experts, ne contient cependant aucune menace; au contraire, c'est le chef d'Al-Qaeda qui paraît traqué.

Mais il ne faut pas s'y tromper, croit l'avocat David Harris, ancien agent du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et expert en terrorisme. «Il semble avoir été bien conseillé par des gens qui connaissent la façon de penser occidentale», croit M. Harris, joint hier à ses bureaux d'Ottawa.

 

Dans son message, Ben Laden s'attarde à justifier les attaques du 11 septembre 2001, ce qui intrigue les analystes. Il s'adresse au peuple américain en utilisant allégrement le «nous». Tous deux, dit-il, ont un ennemi en commun: la Maison-Blanche. L'arrivée d'Obama n'a rien changé, affirme-t-il. Il ne peut espérer changer les choses, ou alors «son destin pourrait être celui du président Kennedy ou de son frère».

Sympathie pour son bourreau

«La Maison-Blanche est occupée par des groupes de pression», ajoute-t-il. «Vous, Américains, devez libérer la Maison-Blanche de ces groupes au lieu de libérer l'Irak.»

Cette façon d'unir les peuples américain et musulman contre un ennemi commun étonne M. Harris, qui a l'impression que ben Laden veut susciter une espèce de «syndrome de Stockholm» chez ses vis-à-vis, cet état d'esprit où la victime ressent de la sympathie pour son bourreau.

«Il nous dit: j'ai peut-être tué, mais nous sommes vous et moi dans la même situation: nous sommes victimes de la Maison-Blanche.»

Il fait une déclaration étonnante: «Nous sommes prêts à accepter des discussions pour mettre fin à la guerre.» Il faut cependant revoir les relations avec Israël. « Est-ce que votre sécurité et votre bien-être valent la peine d'être sacrifiés pour celle d'Israël?» Ce message, à première vue moins belliqueux parce qu'il propose une «solution» aux Occidentaux, serait-il trompeur ? Difficile à dire, admet M. Harris. «Mais ma préoccupation est qu'il a bien compris cette vulnérabilité des Occidentaux à chercher une solution.»

Pas de menaces

Les analystes se sont aussi attardés à ce que ben Laden ne dit pas. Contrairement à ses autres messages, il ne fait pas de menaces à l'Occident. Il ne mentionne pas la guerre en Afghanistan, en Irak - ou si peu -, en Somalie ou en Tchétchénie. Il ne louange pas les «martyrs» qui ont détourné les avions du 11 septembre.

Il parle d'une guerre entre deux nations - les États-Unis et l'Islam - qui pourrait cesser si ce n'était le « lobby israélien». Il n'a pas dit «le lobby juif», remarque David Harris.

«La meilleure façon de vous mettre à dos l'Occident est de parler des juifs. Pour avoir une chance que son message passe, il a parlé d'Israël.»

D'autres experts, dont Anouar Eshki, chef du centre des études stratégiques et légales en Arabie Saoudite, cité par l'AFP, croient que le message montre que ben Laden, traqué, « cherche une porte de sortie pour arrêter ses attaques».

Pour Walid Phares, de la Fondation pour la défense des démocraties, ce changement de ton « pourrait même signifier un possible réalignent entre les forces du djihad au Moyen-Orient». «Cet enregistrement, écrit M. Phares sur son site web, mérite plus d'attention que les précédents.»