Le président sortant Hamid Karzaï a passé la barre des 50% à l'élection présidentielle d'après des résultats portant sur la quasi-totalité des bureaux de vote, mais sur fond de soupçons de fraude de plus en plus insistants et de nouvelles attaques des talibans au coeur de Kaboul.

Le chef de l'État, de plus en plus mollement soutenu par la communauté internationale qui l'avait installé au pouvoir il y a huit ans, disposait mardi de 54,1% des voix contre 28,3% à son principal rival Abdullah Abdullah, selon les comptages réalisés dans 91,6% des bureaux de vote. C'est la première fois que M. Karzaï passe la barre des 50% depuis le 25 août, lorsque les premiers résultats partiels ont commencé à tomber au compte-gouttes.

Les autorités électorales ont également annoncé avoir «mis en quarantaine» les urnes jugées suspectes dans plus de 600 bureaux de vote, sur 25.450 au total.

Les résultats issus de tous les bureaux devraient être livrés jeudi, mais ne deviendront officiels qu'après la fin des enquêtes de la Commission des plaintes, qui a averti mardi qu'elle disposait de «preuves évidentes et convaincantes» de fraudes et exigé un nouveau comptage dans «un certain nombre de bureaux».

L'écart considérable annoncé mardi entre MM. Karzaï et Abdullah laisse penser que ce dernier aura du mal à refaire son retard. Pour l'emporter dès le premier tour, il faut plus de 50% des voix.

Ces annonces sont intervenues quelques heures après deux attaques contre les forces internationales en plein coeur d'un de leurs plus imposants dispositifs de sécurité, à Kaboul.

Dans la nuit de lundi à mardi, deux hommes armés qui ont attaqué la base américaine de Camp Phenix, aux portes de la capitale afghane, ont été rapidement abattus.

Et un kamikaze a tué au moins trois civils et blessé dix personnes, dont trois soldats américains et un belge, en faisant exploser sa voiture piégée devant l'entrée de la base militaire aérienne de l'OTAN à l'aéroport de Kaboul.

Un porte-parole des talibans a aussitôt revendiqué l'attentat.

La capitale est à nouveau la cible d'attaques depuis le début de la campagne pour la présidentielle du 20 août, que les talibans avaient juré de faire dérailler. Leur insurrection s'intensifie chaque jour et s'étend vers le nord et et l'ouest jusqu'alors épargnés.

Le reste du pays connaît aussi un regain de violences, au moment où la question du renforcement des forces internationales, qui subissent des pertes record, est débattue et où les opinions publiques occidentales y sont de plus en plus rétives.

Mardi, 10 soldats afghans, quatre militaires américains et un policier afghan ont péri dans un affrontement qui se poursuivait en soirée dans la province de Kunar (est).

Le jour du scrutin, les violences étaient restées relativement limitées mais la peur, conjuguée à la désillusion des Afghans envers leur classe politique, a probablement engendré une importante abstention. Le chiffre de la participation n'a pas encore été révélé mais il est évalué à 30-35%.

M. Karzaï dirige le pays depuis fin 2001, lorsque les talibans ont été chassés du pouvoir par une coalition internationale emmenée par les États-Unis.

Il avait été élu en 2004 dans le premier scrutin présidentiel de l'histoire du pays, dévasté par 30 années de guerres.

Mais le sortant essuie ces derniers mois une salve de critiques, des pays occidentaux notamment, certains accusant son gouvernement d'avoir laissé la corruption miner le pays.

Son image risque encore de se ternir si des fraudes massives sont avérées.

Le représentant spécial de l'ONU en Afghanistan, Kai Eide, n'a d'ailleurs pas mâché ses mots mardi : «l'intégrité de ces élections est de la plus grande importance pour l'Afghanistan et ses partenaires internationaux», a-t-il déclaré, réclamant une «rigueur parfaite» dans les comptages et les enquêtes sur les fraudes.