L'Allemagne a défendu samedi un bombardement de l'OTAN qui aurait fait jusqu'à 90 morts la veille dans le nord de l'Afghanistan, en invoquant les risques d'attentat suicide contre les troupes allemandes.

«Quand, à six kilomètres de nous, des talibans prennent deux citernes d'essence, cela représente un grand danger pour nous», a déclaré le ministre de la Défense Franz Josef Jung au quotidien Bild samedi. Les avions de l'OTAN, sur la requête d'un officier allemand, ont bombardé vendredi deux camions-citernes d'essence destinés aux forces internationales et volés jeudi soir dans une embuscade tendue par des talibans.

Jusqu'à 90 personnes ont été tuées dans cette attaque, selon les autorités locales. L'armée allemande a avancé le chiffre de plus de 50 morts.

M. Jung a assuré que les victimes étaient toutes des talibans.

«D'après les informations dont nous disposons actuellement, ce sont exclusivement des terroristes talibans qui ont été tués lors de cette intervention menée par un avion américain», souligne-t-il dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung à paraître dimanche.

Plusieurs pays européens ont ouvertement critiqué samedi ce bombardement de l'OTAN, se démarquant de la position de M. Jung.

«Les talibans ont déjà menacé de s'en prendre à la Bundeswehr avant les élections» législatives allemandes du 27 septembre, avait déjà dit le ministre sur la télévision publique ARD vendredi soir. «Il s'agissait d'une situation de danger très concrète», avait-t-il souligné.

De son côté, le secrétaire d'État à la Défense, Thomas Kossendey, a assuré qu'il s'agissait ainsi d'empêcher un attentat-suicide des talibans contre les soldats allemands.

«Nous partons du principe que les camions citernes dérobés auraient été conduits vers le camp de l'armée allemande pour causer le plus de dégâts possible dans un attentat suicide», a-t-il affirmé au quotidien régional Nordwest Zeitung. «C'est pourquoi l'armée allemande a agi de manière intensive» et demandé l'aide de l'OTAN, a-t-il poursuivi.

«Il s'agit d'un incident très grave», a pour sa part déclaré le ministre des Affaires étrangères, et candidat social-démocrate (SPD) à la chancellerie, Frank-Walter Steinmeier.

«Nous devons avec nos alliés faire la lumière le plus vite possible et le plus exactement possible sur ce qui c'est passé dans la nuit de jeudi. Mais je déconseille d'en tirer des leçons prématurées», a ajouté M. Steinmeier, dans l'édition dominicale de Bild.

«Nous devons opérer résolument contre les criminels terroristes. Mais en même temps, nous devons tout faire pour éviter les victimes civiles», a-t-il ajouté.

la presse allemande accordait une large place samedi à ce bombardement, soulignant les conséquences qu'il pourrait avoir sur l'image de l'armée allemande en Afghanistan.

«Pour la première fois, l'Allemagne a ordonné une frappe aérienne», relève la S-ddeutsche Zeitung. «Ainsi l'image des Allemands en Afghanistan change - jusqu'ici la Bundeswehr n'était pas liée aux bombardements et aux souffrances des civils», juge-t-elle.

Le Parquet de Potsdam, où se trouve le commandement général des forces allemandes déployées à Afghanistan, a indiqué qu'il étudiait la possibilité d'ouvrir une enquête sur l'officier allemand qui a demandé à l'OTAN de détruire les camions citernes.

«Nous ne pouvons pas dire à l'heure actuelle si cela débouchera effectivement sur l'ouverture d'une enquête», a toutefois précisé Heinrich Junker, le procureur général de Potsdam à Bild am Sonntag.

D'autre part, trois soldats allemands et un interprète afghan ont été «légèrement blessés» samedi dans une attaque suicide à cinq kilomètres au nord-est de Kundus, a indiqué un porte-parole de la Bundeswehr.