«Même sous les Russes, je n'ai jamais entendu une telle explosion», lance jeudi Mohammad Nabi, tandis que le sang de huit taureaux coule dans la poussière, un sacrifice en hommage aux 43 civils tués dans l'explosion d'un camion piégé à Kandahar, dans le sud de l'Afghanistan.

L'attentat de mardi, qui a aussi blessé 65 personnes, est le plus meurtrier mené par les insurgés afghans depuis plus d'un an. La grande ville de Kandahar et sa province sont l'un des bastions des talibans, qui avaient fait de la cité leur berceau dans les années 1990 et lorsqu'ils étaient au pouvoir à Kaboul, entre 1996 et 2001.

Des centaines d'habitants se sont rassemblés jeudi pour une cérémonie de deuil sur le lieu du drame, décor apocalyptique où seuls quelques murs restent debout au milieu des gravats et de carcasses de voitures tordues et noircies.

Un hôtel, une salle de mariage et une douzaine de maisons ont été rasés par la déflagration, énorme selon les témoins, qui a soufflé portes et vitres dans un rayon d'un kilomètre.

Certains trébuchent parmi les décombres, hébétés, d'autres s'accroupissent contre un mur pour s'abriter du soleil brûlant, tandis que des habitants fouillent les gravats pour essayer de sauver quelques biens.

Le sacrifice de taureaux est une tradition pour les enterrements et les fêtes en Afghanistan, en particulier dans le sud. La viande est ensuite distribuée aux pauvres.

Des hommes lient les pattes de huit taureaux, les forçant à s'allonger dans les décombres, avant de leur ouvrir la gorge avec un grand couteau. Le sang, épais, jaillit, aspergeant la poussière au milieu d'une foule accablée.

«C'est la chose la plus horrible que j'aie jamais vue», confie Mohammad Nabi, un Kandahari, tandis qu'autour de lui des habitants, simplement armés de pelles,  commencent à repousser les décombres de ce qui étaient leurs maisons ou leurs boutiques.

«Quand ça a eu lieu, la terre a bougé sous mes pied (...) Même sous les Russes, je n'ai jamais entendu une telle explosion», ajoute-t-il, se référant à l'occupation soviétique (1979-1989), qui a causé la mort d'un million d'Afghans et poussé des millions d'autres à l'exil.

Mohammad Ashraf, un voisin, n'en revient toujours pas. «Je ne peux pas y croire. J'ai entendu l'explosion, c'est la plus forte que j'aie jamais entendue, mais je ne pensais pas qu'elle ferait autant de dégâts.»

Un vieil homme, vêtu du traditionnel shalwar kamiz et coiffé d'un turban, est tellement accablé de douleur et de chaleur que ses jambes le trahissent, le forçant à s'asseoir dans la poussière.

Pendant la cérémonie, le maire de Kandahar, Ghulam Haidar, prend la parole, accusant «les ennemis de l'Afghanistan, les ennemis de l'islam et de l'humanité» d'avoir commis l'attentat.

«C'est l'oeuvre de ceux qui sont contre l'islam, la nation afghane et toute l'humanité. Quiconque commet de tels crimes pendant le mois saint est un ennemi de l'islam», lance-t-il.

Comme le reste du monde musulman, l'Afghanistan observe le ramadan, jeûnant de l'aube au crépuscule, moment où les gens rentrent généralement chez eux pour manger. Moment où a également eu lieu l'attaque.

Les talibans, chassés du pouvoir fin 2001 par une coalition internationale menée par les États-Unis, ont nié toute responsabilité. L'OTAN et les autorités afghanes ont affirmé le contraire.