Les observateurs européens ont estimé samedi que les élections afghanes avaient été plutôt «bonnes» mais pas libres partout, alors qu'un éventuel second tour entre le favori et sortant Hamid Karzaï et Abdullah Abdullah était de plus en plus évoqué.

«Ce que nous avons observé en général a été jugé bon et équitable», mais «les élections n'ont pas été libres dans certaines parties du pays en raison de la terreur» qui y règne, a déclaré Philippe Morillon, chef de la mission de 120 observateurs européens, lors d'une conférence de presse à Kaboul. Depuis jeudi soir, les partenaires internationaux du gouvernement de Kaboul se félicitent du déroulement des élections en matière de sécurité.

Les rebelles talibans avaient menacé d'attaquer les scrutins, mais le bain de sang redouté n'a pas eu lieu, malgré de nombreux incidents.

La mission européenne n'a pas dérogé à la règle en soulignant qu'en dépit des menaces et violences, «les citoyens afghans sont venus voter».

Saluant une «victoire du peuple afghan», M. Morillon a toutefois souligné que «dans certaines zones du pays, il a été extrêmement difficile, voire impossible, de voter» en raison des violences.

Il ne s'est pas prononcé sur la crédibilité des scrutins, un domaine sur lequel les responsables internationaux sont en général restés prudents, dans l'attente des chiffres de la participation, attendus d'ici quelques jours, et des résultats, à partir du 3 septembre.

Dans ce domaine, et alors que les accusations de fraudes se multiplient, le rapport de la mission relève de nombreuses irrégularités, notamment sur la constitution des listes électorales, avec des rapports suggérant qu'«il y avait davantage de cartes d'électeurs en circulation que d'électeurs au départ».

À Bruxelles, l'Union européenne s'est dite préoccupée par des informations évoquant de possibles fraudes dans le déroulement de l'élection présidentielle.

Les responsables européens ont appelé les camps des deux principaux candidats, le président Hamid Karzaï et son ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah, à faire preuve de retenue.

Chacun des deux camps avait affirmé vendredi que son candidat était en tête, alimentant tensions et spéculations.

Alors que nombre d'observateurs pariaient avant l'élection sur une victoire de Hamid Karzaï au premier tour, ils sont de plus en plus nombreux aujourd'hui a évoquer un second tour entre les deux hommes, à l'issue incertaine.

La mission européenne a souligné que la participation a été «considérablement plus élevée dans le nord du pays», réputé plus favorable au Tadjik Abdullah, «et particulièrement basse dans le sud», terre pachtoune d'où est originaire Hamid Karzaï.

Dans le même temps, nombre de sources désignent des fraudes massives en faveur du président sortant autour de Kandahar, la principale ville du sud.

Abdullah y évoque une fraude «évidente» au profit de Karzaï. Au moins 40 des quelque 100 plaintes déposées à propos du scrutin viennent du camp Abdullah.

Les réunions entre diplomates internationaux, candidats et responsables locaux se sont multipliées ces derniers jours à Kaboul.

L'émissaire américain dans la région Richard Holbrooke, représentant du principal soutien politique et militaire du gouvernement afghan, a ainsi rencontré séparément vendredi Hamid Karzaï et Abdullah Abdullah.

«La question est maintenant de savoir si Karzaï, qui contrôle la Commission électorale afghane, va accepter un second tour. C'est un des sujets qu'il a abordés lors de la rencontre avec Holbrooke», a indiqué à l'AFP un diplomate sous couvert d'anonymat.

L'UE a de son côté appelé «toutes les parties à (...) recourir uniquement à des moyens légaux et aux institutions nationales appropriées pour résoudre des différends et des plaintes» à propos des scrutins.