Le président afghan sortant Hamid Karzaï a justifié dimanche sa politique controversée d'alliances avec les chefs de guerre par la défense de l'intérêt national et la paix, lors de son premier débat télévisé à quatre jours des élections présidentielle et provinciales.

«J'ai défendu l'intérêt national, l'unité. Je l'ai fait (...) pour protéger l'Afghanistan et mettre fin à la guerre. Je ferai de même jusqu'à ce que j'arrive à ramener la paix totale dans le pays», a déclaré M. Karzaï au cours de ce débat, qui l'a opposé pendant une heure et demie à deux de ses principaux rivaux, ses anciens ministres Ashraf Ghani et Ramazan Bashardost.

M. Karzaï, chargé en 2001 par l'Occident de mener son pays sur la voie de la démocratie puis élu en 2004, est critiqué pour avoir scellé des alliances avec des chefs de guerre accusés de crimes entre 1992 et 2001, voire aujourd'hui encore, pour s'assurer le vote de leurs communautés à l'élection présidentielle de jeudi.

Ses deux adversaires n'ont pas manqué de le lui rappeler.

«Je n'ai pas passé d'accord avec un seul chef de guerre, n'ai pas offert de ministère, de poste de gouverneur ou de partie de l'Afghanistan à un seul d'entre eux», a souligné l'ancien ministre des Finances Ashraf Ghani.

 «Les chefs de guerre ont aujourd'hui le rôle principal dans la campagne (de Karzaï, ndlr), l'un des leurs en est même le vice-président, et cela, le peuple d'Afghanistan ne peut l'accepter», a déclaré l'ancien ministre du Plan Ramazan Bashardost.

Il faisait allusion au chef de guerre tadjik Mohammad Qasim Fahim, colistier de Karzaï, accusé de crimes par des organisations de défense des droits de l'Homme.

«Si un seul de ces chefs de guerre a oppressé le peuple» depuis trente ans, «sa présence au gouvernement est inacceptable», a ajouté M. Bashardost

«Si je mentionne des noms, cela va se finir en combats de bouteilles», a-t-il poursuivi à propos du gouvernement Karzaï et sous les rires, en référence à certains débats houleux ces dernières années au parlement afghan, où les adversaires se sont envoyés des bouteilles d'eau minérale à la figure.

«Je me présente à nouveau car j'ai acquis de l'expérience», mais «malgré d'important progrès, le pays est toujours confronté à d'énormes problèmes», avait auparavant déclaré M. Karzaï. «J'ai la tolérance et la vision», a-t-il affirmé, en mettant en avant les progrès faits ces dernières années notamment en matière d'éducation, d'emploi et d'économie.

M. Bashardost a répondu que la croissance économique revendiquée par M. Karzaï était principalement nourrie par la drogue.

Le président a réaffirmé son souhait d'un changement de la stratégie internationale pour éviter les victimes civiles dans les combats, ce qu'il demande en vain depuis plusieurs années à ses alliés étrangers.

L'économiste Ghani a de son côté mis en avant la qualité de son programme de développement «sur 10 ans, sur 20 ans» et son expérience internationale.

Selon un sondage publié vendredi par un institut américain, M. Karzaï serait en tête au premier tour de la présidentielle le 20 août, avec 44% des intentions de vote, devant son ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah (26%), suivi de Ramazan Bashardost (10%) et Ashraf Ghani (6%).

Abdullah Abdullah n'était pas présent au débat de dimanche, pour une raison qui n'a pas précisée.