Les violences politiques ont atteint un niveau alarmant au Yémen sur fond de mécontentement politique et social des sudistes et de résurgence de la rébellion dans le nord, suscitant des interrogations dans le pays sur la capacité du gouvernement d'y faire face.

Une embuscade mardi dans le sud, attribuée à des sudistes, a été la dernière manifestation de ces violences qui secouent un pays où s'activent aussi des combattants d'Al-Qaeda et des rebelles chiites dans le nord.

Dans les seules provinces du sud, ces violences, sur fond de remise en cause de l'unification de cette partie du pays avec le nord en 1990, ont fait au moins 43 victimes entre policiers et civils depuis fin avril.

Les parlementaires, alarmés par la montée des violences, ont demandé des explications aux responsables du maintien de l'ordre lors d'une session houleuse lundi pendant laquelle les accusations ont fusé. Le premier de ces responsables, le vice-Premier ministre aux Affaires de la défense et de la sécurité, Rached Mohammed al-Alimi, a reconnu devant les élus que le pays faisait face à un «triple défi: Al-Qaeda, les rebelles chiites et les activistes sudistes».

Le ministre de l'Intérieur, Motahar Rachad al-Masri, durement critiqué par les députés du pouvoir comme ceux de l'opposition, n'a pu fournir d'explication claire sur le sort de cinq Allemands et un Britannique pris en otage en juin dans le nord, sinon que «l'enquête continue et que l'affaire est mystérieuse».

Les six captifs font partie d'un groupe de neuf personnes enlevés dans la région de Saada, coeur de la rébellion chiite. Les cadavres des trois autres, deux Allemandes et une Sud-Coréenne, avaient été ensuite retrouvés.

Dans le nord, la rébellion chiite zaïdite a lancé il y a quatre jours une série d'attaques sans précédent ces derniers mois, tuant sept militaires. Les affrontements entre les rebelles conduits par Abdel Malek al-Houti et les forces de l'ordre ont fait des milliers de morts depuis 2004 mais se sont relativement calmés ces derniers mois.

Le zaïdisme est une branche du chiisme, dont la plupart des adeptes résident au Yémen où ils sont minoritaires dans un pays à majorité sunnite. Les rebelles rejettent le régime actuel et appellent au rétablissement de l'imamat zaïdite, renversé par un coup d'Etat militaire en 1962.

Dans le sud, les habitants estiment être discriminés par des nordistes et ne pas bénéficier d'une aide économique suffisante. Des députés de tous bords se sont inquiétés de la réponse uniquement sécuritaire apportée par les autorités et notamment les socialistes qui étaient au pouvoir dans le sud avant l'unification. «Le problème est politique et ne peut être réglé par la réponse sécuritaire. Il trouve ses origines dans la guerre de 1994 qui a eu pour conséquence de marginaliser et d'exclure les sudistes», a martelé Aidarous Al-Naqib, le chef du groupe socialiste au Parlement.

Le député faisait référence à une tentative de sécession du sud qui avait été écrasée dans le sang par les troupes nordistes. Les membres du gouvernement ont reproché aux députés de traîner des pieds pour adopter une loi antiterroriste et une loi sur le contrôle des armes, largement répandues parmi les civils.

Dans le climat d'insécurité qui fait dire à certains Yéménites que leur pays commence à ressembler à l'Irak, le risque d'une alliance d'Al-Qaeda avec les activistes sudistes est souvent évoqué. Le réseau terroriste a apporté son soutien aux sudistes et l'un des jihadistes, Tarek al-Fadhli, les a ralliés, organisant une manifestation le 23 juillet où seize personnes ont été tuées et 30 autres blessées dans des accrochages entre ses partisans et la police.