Le procès controversé de 56 personnes, dont deux généraux en retraite, accusées de complot contre le gouvernement turc, issu de la mouvance islamiste, dans l'affaire Ergenekon, a commencé lundi au tribunal de la prison de Silivri, près d'Istanbul.

Environ 200 manifestants pro-laïques et favorables aux inculpés se sont rassemblés lundi matin non loin du tribunal, une salle multisport aménagée à cet effet, qui fait partie de la prison de Silivri, à environ 50 km du centre d'Istanbul. La plupart des manifestants étaient venus soutenir le journaliste pro-laïque Tuncay Özkan, opposant virulent au gouvernement, qui fait partie des inculpés.

«Ne te tais pas, n'abandonne pas ! Le soleil se lèvera sur l'obscurité !» scandaient les manifestants devant des gendarmes en tenue anti-émeutes. Des manifestants brandissaient des drapeaux turcs, d'autres portaient des badges à l'effigie d'Atatürk.

«Ce procès est un mensonge, il apporte de fausses preuves pour arrêter les gens qui défendent Atatürk», a déclaré à l'AFP une femme d'une cinquantaine d'années, venue d'Istanbul. La comparution de ces suspects devrait relancer le procès controversé de ce réseau putschiste présumé. Le même tribunal juge déjà depuis octobre 86 accusés dans l'affaire Ergenekon. Les 56 nouveaux prévenus font l'objet d'un deuxième acte d'accusation publié en mars.

Parmi ces nouveaux venus, dont 21 sont en détention, figurent plusieurs ex-généraux, dont l'ancien chef de la gendarmerie Sener Eruygur, l'ex-général d'armée Hürsit Tolon et l'ex-général de brigade Levent Ersöz, désignés par l'acte d'accusation comme les dirigeants de la conspiration. On y retrouve aussi des journalistes célèbres -Mustafa Balbay, une des grandes signatures du quotidien pro-laïcité Cumhuriyet, le polémiste Tuncay Özkan, des hommes d'affaires, des politiciens et même l'épouse d'un juge de la Cour constitutionnelle. Sener Eruygur, qui avait été libéré pour raisons de santé, n'était pas présent à l'ouverture du procès, de même que l'ex-général Ersöz, malade et en détention. L'ex-général Tolon était présent, de même que MM. Balbay et Özkan.

Ce nouveau procès est très attendu en Turquie pour éclaircir cette affaire de complot présumé, qui visait selon l'accusation à semer le chaos dans le pays par des attentats. Le réseau Ergenekon, d'inspiration nationaliste et laïque, aurait projeté de provoquer des troubles et de commettre des assassinats afin d'amener l'armée à intervenir par un coup d'État contre le gouvernement, soupçonné d'avoir le projet inavoué d'islamiser la société turque.

Cette affaire a créé des tensions entre le gouvernement et l'armée qui se considère comme la garante du régime laïque.

Samedi, plusieurs milliers de manifestants -militants de gauche ou islamistes- ont réclamé à Istanbul que l'armée, qui a déposé quatre gouvernements depuis 1960, reste en dehors de la politique. L'enquête Ergenekon avait débuté en juin 2007 avec la découverte à Istanbul d'une cache d'armes. Parmi les 56 prévenus, neuf sont accusés d'être les «dirigeants d'une organisation terroriste armée», crime passible de la prison à vie.

La cour devrait ce lundi relever les identités des prévenus et entendre les demandes des avocats avant de lire l'acte d'accusation, un document de près de 2 000 pages. Elle devrait ensuite décider de joindre le dossier Ergenekon II au procès principal.

L'enquête Ergenekon est toujours en cours et plusieurs dizaines de suspects sont détenus. Ces derniers mois, elle s'est orientée vers des militaires d'active, dont plusieurs ont été arrêtés.