Chaque matin, c'est le même rituel. Des centaines de travailleurs palestiniens se pressent au checkpoint israélien de Makkabim en Cisjordanie pour passer en Israël, de l'autre côté du mur de séparation.

«Je suis arrivé à 03H00, et j'espère passer à 06H00», déclare Abou Ibrahim. «Tous les matins, on arrive très tôt et on attend des heures que les soldats israéliens ouvrent le checkpoint», ajoute ce Palestinien de 60 ans.Ils sont des centaines à s'entasser ainsi dans la nuit, quel que soit le temps, entre les murs en béton et les grillages du poste de contrôle.

Le checkpoint de Makkabim est le point de passage obligé pour les travailleurs de la région de Ramallah depuis l'érection à partir de 2002 de la «clôture antiterroriste» par Israël pour empêcher des infiltrations de Cisjordanie.

Cette barrière de sécurité, qualifiée de «mur de l'apartheid» par les Palestiniens et qui doit s'étendre à terme sur plus de 700 km, a été jugée illégale il y a cinq ans par la Cour internationale de Justice (CIJ), le principal organe judiciaire de l'ONU, qui en réclame le démantèlement.

Selon l'ONU, elle «fait partie d'un régime général de fermeture (...) qui affecte les mouvements des Palestiniens, restreint leur espace, et ajoute à la fragmentation de la Cisjordanie.»

Dans l'attente de l'ouverture du poste de contrôle, certains travailleurs font leur prière du matin à même le sol, d'autres dorment sous des cartons ou fument des cigarettes. Les femmes, en habit de paysannes et foulard, regrettent de ne pas être séparées des hommes.

La plupart travaillent dans le bâtiment, certains dans l'agriculture, d'autres sur des marchés. Une fois en Israël, ils doivent encore payer le voyage, quelques dizaines de shekels, jusqu'à leur lieu de travail, dans les camionnettes de leurs employeurs.

C'est le Shin Beth, le service de sécurité intérieure, qui donne le feu vert pour les permis de travail. Ces permis, valables le plus souvent de 05H00 à 19H00, ne sont accordés généralement qu'à ceux qui sont âgés de plus de 30 ans, mariés avec enfants. Ils ont aussi bénéficié du «parrainage» de leur employeur en Israël.

Sur le mur, une pancarte en hébreu et arabe leur souhaite la bienvenue au checkpoint, une autre rappelle que les Palestiniens doivent revenir par le même chemin sous peine de perdre leur permis.

Aux contrôles de sécurité des soldats s'ajoutent parfois les brimades. «Ils nous insultent ou nous crient dessus», se plaint Hamoud, 46 ans. «Avant, je passais en fraude», raconte-t-il. À chaque passage, les «mouharib» (travailleurs sans papiers) paient 3.000 shekels à des passeurs.

«C'était beaucoup plus facile avant, le mur a tout changé, en pire», assure Abou Ibrahim, maçon depuis 1967 en Israël, qui gagne de 3 à 4.000 shekels par mois (550 à 730 euros).

«Je travaille à Shoham, à quelques kilomètres d'ici. Avant le mur, je quittais la maison à 06H30 pour être au travail à 07H00. Aujourd'hui, je dois me lever à 02H00.»

Agé de 19 ans, Mounadhel ne peut obtenir de permis de travail. Dissimulé dans la pénombre, il espère passer sous le nez des soldats, pour aller gagner entre 1.500 et 2.000 shekels (275 à 365 euros) par mois en Israël.

«J'ai essayé ce matin, mais ils m'ont arrêté et renvoyé. J'attend la relève pour tenter ma chance une nouvelle fois. En tout, j'ai été arrêté une quinzaine de fois», raconte-t-il. «Ils vous détiennent quelques heures et vous reconduisent».

Ce jour-là, il a eu de la chance: profitant de la confusion née d'un incident entre les soldats et les travailleurs palestiniens, il est passé sans être vu.