Les partisans du président Mahmoud Ahmadinejad et ceux de son principal rival vaincu ont organisé de nouvelles manifestations mardi à Téhéran, alors que le numéro un du régime iranien Ali Khamenei s'est dit favorable à un recomptage partiel des voix si nécessaire.

Alors que l'Iran traverse sa pire crise depuis les premières années de la révolution islamique en 1979, les autorités ont interdit toute couverture par la presse étrangère des événements en cours dans le pays après des émeutes et manifestations contre la réélection vendredi de M. Ahmadinejad (63% au 1er tour).

Ce déferlement de colère populaire, accompagné de heurts meurtriers, a suivi la contestation des résultats par le principal rival du président ultraconservateur à la présidentielle, Mir Hossein Moussavi (34%) qui a parlé de fraude et d'«irrégularités».

Face à ces protestations, l'ayatollah Khamenei, après s'être félicité de la réélection pour quatre ans de M. Ahmadinejad, s'est dit favorable à un recomptage partiel des voix si nécessaire, selon la télévision d'Etat.

Avant lui, le Conseil des gardiens de la Constitution, chargé de valider le résultat des élections et d'examiner les plaintes, s'est dit prêt à recompter les «bulletins de vote dans les urnes sujettes à la contestation».

Sur le terrain et à l'appel d'un organisme officiel, plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans le centre de Téhéran, selon des images de la télévision d'Etat.

Le Conseil de coordination de la propagande islamique, dépendant de l'ayatollah Khamenei, avait demandé «à toutes les couches de la société de participer à cette manifestation» présentée comme «une marche d'unification».

A l'opposé, des partisans de M. Moussavi ont défilé dans le nord de Téhéran, selon le site internet de la chaîne d'Etat PressTv, alors que le candidat les avait appelés à renoncer à la marche pour éviter de nouveaux heurts.

Mais ses supporteurs, qui portaient «la couleur verte de la campagne de M. Moussavi ont manifesté dans le calme», et se sont dirigés en direction de la place Vanak, «où le défilé s'est transformé en grande manifestation», selon le site.

Les autorités ont interdit à la presse étrangère de couvrir les manifestations «illégales» ainsi que tout événement ne se trouvant pas «au programme» du ministère de la Culture et de la guidance islamique.

De même, le premier réseau iranien de téléphonie mobile, contrôlé par l'Etat, a été coupé de nouveau dans l'après-midi à Téhéran.

Lundi, des centaines de milliers de partisans de M. Moussavi avaient défié une interdiction de défiler dans la rue, et sept civils avaient été tués, selon Radio Payam (officielle), après s'en être pris à un poste de la milice islamique du bassidj, particulièrement haïe par certains manifestants.

La contestation, très forte à Téhéran, théâtre d'émeutes samedi et de manifestations violentes dimanche, a gagné des villes de province, en particulier Machhad, Ispahan et Chiraz, selon des témoins et des médias.

Deux importants responsables du camp réformateur ayant soutenu M. Moussavi, Saïd Hajarian et Mohammad Ali Abtahi, ont été arrêtés, selon un responsable.

L'ampleur de la mobilisation contre la réélection de M. Ahmadinejad, et les violences, commencent à fissurer l'unité du pouvoir.

Le président du Parlement Ali Larijani, influent personnage conservateur, a tenu le ministre de l'Intérieur Sadegh Mahsouli responsable d'attaques contre des étudiants et des habitants à Téhéran, alors qu'une commission parlementaire a été créée pour enquêter sur l'attaque par des bassidjis d'un dortoir de l'Université de Téhéran.

En visite en Russie, M. Ahmadinejad n'a pas soufflé mot sur la crise en Iran tandis que de nombreuses voix à l'étranger ont exprimé leur inquiétude.

Le président français Nicolas Sarkozy a dénoncé «l'ampleur de la fraude» lors de la présidentielle et estimé proportionnelle la «violence de la réaction». Rome a évoqué des «morts inacceptables», Bruxelles s'est dit «très préoccupée» alors que Londres a appelé Téhéran à la retenue.

Mais le président américain Barack Obama, tout en disant avoir de «profondes inquiétudes», a estimé qu'il ne serait «pas productif» pour son pays de se mêler de politique intérieure iranienne.