De nombreux civils auraient été tués dans la vallée de Swat et les régions voisines, en raison des combats entre l'armée et les talibans dans cette zone du nord-ouest du Pakistan. On ignore combien ont péri, mais les témoignages se multiplient sur les souffrances endurées par les habitants.

Moabullah raconte avoir transporté une trentaine de corps, souvent déchiquetés, à l'aide d'une brouette pour les amener dans un cimetière. Il est l'un des nombreux habitants à avoir fui la région pour gagner hôpitaux et camps de réfugiés.Les récits des réfugiés, comme ceux des travailleurs humanitaires et des personnels hospitaliers, laissent penser que les civils paient un lourd tribut aux combats, notamment aux raids aériens menés par l'armée. Il n'existe aucun décompte indépendant du nombre de morts. Des ONG comme la Croix-Rouge internationale et Human Rights Watch soulignent qu'il leur sera impossible de recenser les tués tant qu'elles ne seront pas autorisées à pénétrer dans la majeure partie de la zone de guerre, qui s'étend sur 10.360 kilomètres carrés.

Reste que les «dommages collatéraux» subis par les civils pourraient éroder le soutien populaire dont bénéficie l'armée et même générer de la sympathie pour l'insurrection.

«Les pertes civiles sont beaucoup plus élevées que celles de l'armée ou des talibans», affirme Ali Bakt, l'un des nombreux témoins interrogés par l'Associated Press dans la région. M. Bakt, qui a gagné un hôpital de Peshawar après avoir fui le bastion taliban de Peochar, explique que les deux camps tirent des obus de mortier, une arme peu précise qui tombe souvent à côté de la cible visée.

«C'est bien d'agir contre les talibans, mais il y a un problème pour les civils», remarque de son côté Yusuf, un jeune homme de 21 ans qui a fui les combats dans le district de Buner. Dans un cas, les corps de dix tués n'ont pas pu être ramassés pendant trois jours à cause des combats, dit-il.

Un homme âgé souffrant apparemment de malnutrition et respirant à peine est allongé sur un lit d'hôpital. Nawab Ali, son neveu, raconte qu'ils ont fui leur domicile de Mingora, principale ville de la vallée de Swat, en enfreignant le couvre-feu imposé par l'armée. Ils n'avaient plus de nourriture et plus beaucoup d'eau.

«Les gens partaient à pied», dit-il. «Nous sommes arrivés près du village d'Abwa lorsque l'armée nous a tiré dessus. Six personnes ont été tuées et sept autres blessées», explique Ali, précisant que ce sont des civils cherchant à fuir qui ont été frappés. Quatre femmes ont été tuées, dont la mère d'un bébé de quatre mois, ajoute-t-il.

Les interviews menées par l'AP suggèrent que des «bavures» ont notamment eu lieu après que les habitants eurent bravé le couvre-feu pour fuir, souvent poussés par le désespoir en raison d'un manque de nourriture, d'eau ou d'aide médicale.

La plupart des témoins imputent les pertes civiles aux raids aériens et aux tirs de missiles de l'armée. Ils expliquent avoir été, soit pris dans les combats, soit pris pour cible parce qu'ils avaient violé le couvre-feu.

Mais des habitants ont également raconté, en particulier à Mingora, que les talibans refusaient de laisser partir les civils car ils voulaient les utiliser comme boucliers humains, rapporte Ali Dayan Hasan, représentant de Human Rights Watch au Pakistan.

M. Hasan évoque un témoignage selon lequel les talibans auraient égorgé un homme qui avait parlé à des soldats. La victime aurait affirmé avoir raconté aux militaires qu'il n'y avait pas de combattant islamiste dans son village, mais les insurgés ne l'auraient pas cru.

L'offensive lancée par l'armée le mois dernier dans le but de reprendre la région aux talibans a provoqué la fuite d'environ 1,5 million de personnes. Dans les zones auxquelles il a eu accès, comme Dagar et Buner, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a soigné environ 240 blessés de guerre.

A l'hôpital Lady Reading de Peshawar, la majorité des blessés viennent de Swat, Dargai, Buner et Dir, les zones où se sont déroulés les combats les plus violents. Récemment, l'établissement a reçu en une semaine une cinquantaine de victimes.

Fazl-ur-Rahman, qui a fui le district de Dir, raconte que 350 maisons dans son village ont été détruites. Ce qui, ajoute-t-il, donne une idée du nombre de morts.

Un autre réfugié, Sirajuddin, dit avoir fui le 20 mai le village de Gumbatmera, dans la vallée de Swat, après qu'un raid aérien de l'armée eut détruit de nombreuses maisons. «Ce que je sais, c'est que dans les maisons détruites il y a des gens qui sont morts», dit-il.