Le gouvernement afghan et l'armée américaine tentaient jeudi de boucler rapidement une enquête conjointe sur le bombardement américain ayant tué des dizaines de civils lundi dans l'ouest de l'Afghanistan face à l'émoi suscité par le drame, sur place et à Washington.

Le colonel Greg Julian, porte-parole des forces américaines en Afghanistan, a déclaré à l'AFP espérer avoir les résultats des investigations dans la journée.

Une telle célérité est inhabituelle dans les affaires impliquant l'armée américaine en Afghanistan.

Des représentants des ministères de l'Intérieur et de la Défense, du Parlement, de la présidence afghane et des forces internationales enquêtaient jeudi dans les zones bombardées, dans le district de Bala Buluk, situé dans la province de Farah.

Ces frappes ont tué plus de 100 personnes, parmi lesquelles une majorité de civils, dont des femmes et des enfants, selon les autorités afghanes.

A Farah, la capitale provinciale, des centaines de manifestants ont clamé leur colère avant d'être dispersés par la police après des heurts. Quatre manifestants ont été hospitalisés, dont un blessé par balles, selon une source médicale.

«Certains mollahs ayant étudié dans des madrasas (écoles coraniques, ndlr) iraniennes ont poussé à la violence. Les manifestants ont alors lancé des pierres sur des édifices gouvernementaux. La police a essayé de les disperser, mais ils ont lancé des pierres sur la police, qui a tiré en l'air», a indiqué le gouverneur adjoint de Farah, Mohammad Younus Rasouli.

«Les gens sont très en colère. (...) Ils ont crié "Mort à l'Amérique, mort aux envahisseurs"», a raconté Abdullah, un jeune manifestant joint par téléphone.

«Nous demandons au gouvernement afghan de forcer les Américains à quitter l'Afghanistan. Ils ne sont pas dans ce pays pour combattre les talibans, ils tuent plus de civils que de talibans!», a renchéri Haji Nangyalai, 42 ans.

«Arrêtez de tuer des civils, ou vous devrez faire face à la réaction violente des Afghans!», menaçait Haji Samir, un commerçant de 56 ans, à l'adresse des «Américains».

Lundi, des combats avaient éclaté entre les insurgés, bien implantés dans la région, et l'armée afghane, qui avait appelé l'armée américaine à l'aide.

Cette dernière avait ensuite ordonné le bombardement des talibans, dont certains étaient réfugiés dans des habitations. «La plupart des maisons de la zone visée ont été réduites en ruines», selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Le colonel Julian a évoqué des «informations selon lesquelles les talibans auraient délibérément orchestré une attaque pour provoquer des pertes civiles».

«Nous enquêtons pour savoir si les victimes ont été causées par le bombardement aérien, et vérifier une autre information selon laquelle les civils ont peut-être été tués par les talibans et ensuite présentés comme victimes du bombardement», a-t-il dit à l'AFP.

Le lourd bilan civil a provoqué l'émoi jusqu'à Washington, où se trouvait le président afghan Hamid Karzaï, entraînant des réactions du président américain Barack Obama et de sa secrétaire d'Etat Hillary Clinton.

Les forces étrangères en Afghanistan tuent régulièrement des civils lors des combats, provoquant la colère de la population et des autorités afghanes. En 2008, 2.118 civils ont été tués dans des violences, dont 39% à cause des forces pro-gouvernementales, selon les Nations unies.

Les violences des insurgés afghans ont redoublé d'intensité depuis deux ans malgré la présence de 70.000 soldats étrangers.