Dix ans après la fin de son premier mandat, Benyamin Nétanyahou a remis hier les habits de premier ministre d'Israël. Il dirige un gouvernement fragile et bigarré.

La scène se passe à Montréal un jour de septembre 2002. Benyamin Nétanyahou, ex-premier ministre d'Israël, doit alors prononcer une conférence à l'Université Concordia. Mais des étudiants s'insurgent contre la tribune offerte à ce faucon de la politique israélienne. Vitres fracassées, intervention de la police: c'est le dérapage. Et c'est devant une poignée de journalistes que Benyamin Nétanyahou prononce finalement son discours dénonçant les velléités nucléaires de l'Irak. «Il faut faire chuter Saddam Hussein», plaide-t-il.

 

Bibi le dur

Six ans plus tard, la tête blanchie et le corps alourdi de quelques kilos, le même Nétanyahou a officiellement repris hier les fonctions de premier ministre.

«Un régime radical doté d'une arme atomique représente le plus grand danger pour l'humanité», a-t-il lancé dès sa prestation de serment. Cette fois, l'ennemi n'est plus Saddam Hussein, mais le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad.

«Bibi le dur» pourrait-il aller jusqu'à bombarder l'Iran, comme le souhaitent plusieurs de ses supporters? Envisage-t-il vraiment de «finir le travail à Gaza», comme il l'a dit pendant la campagne électorale?

Plusieurs analystes croient que ces déclarations fortes servaient surtout des fins électorales. Et que c'est un «Nétanyahou nouveau», mûri par le temps, qui a pris les rênes du gouvernement israélien, 10 ans après la fin de son premier mandat.

«Nétanyahou tient à donner une bonne image à la communauté internationale, il voudra montrer qu'Israël n'est pas si à droite que ça», estime le politicologue israélien Moshe Maoz.

Mais même s'il se dit prêt à négocier avec les Palestiniens, ce pragmatisme ne suffira pas à transformer Nétanyahou en un homme de paix, notent les analystes.

L'antiterroriste

Né il y a 59 ans à Tel-Aviv, Benyamin Nétanyahou a suivi sa famille aux États-Unis où il a étudié l'architecture, avant de rentrer faire son service militaire en Israël.

En 1976, un avion parti de Tel-Aviv est détourné vers Entebbe, en Ouganda. Le soldat Yonathan Nétanyahou est tué au cours du raid qui met fin à la prise d'otages. Cet événement tragique oriente la carrière de son frère Benyamin, qui fonde un institut de recherche sur le terrorisme à la mémoire de Yonathan.

C'est en 1988 que Benyamin Nétanyahou se fait élire député sous la bannière du Likoud, le parti qu'il dirige aujourd'hui. Orateur doué, réputé pour son aisance en anglais et sa fine connaissance des États-Unis, il grimpe rapidement les échelons.

Opposé à la création d'un État palestinien, défenseur de la colonisation, il milite contre les accords de paix de 1993 qu'il devra pourtant gérer après son élection comme premier ministre, en 1996.

Soupçonné de corruption, Nétanyahou est battu en 1999. Il redevient ministre au début des années 2000, mais quitte le gouvernement d'Ariel Sharon pour protester contre le retrait israélien de Gaza.

Toujours opposé à la solution de deux États, Nétanyahou croit que les Palestiniens accepteront un statut d'autonomie, en échange de la prospérité. C'est ce qu'il appelle la «paix économique». Pas une seule fois, hier, n'a-t-il fait allusion à un futur État palestinien.

»Insupportable et détestable»

Benyamin Nétanyahou est un personnage «insupportable», écrit Dennis Ross, envoyé spécial au Proche-Orient sous Bill Clinton, dans son livre Missing Peace.

Dans un autre livre, un «ex» de l'ère Clinton, Joe Lockhart, qualifie Nétanyahou «d'individu détestable, menteur et tricheur».

Comment Nétanyahou composera-t-il avec l'administration Obama où il retrouvera, entre autres, Dennis Ross, désormais responsable du dossier iranien?

«Je crois qu'il adoptera une attitude attentiste», prévoit le politicologue québécois Sami Aoun. Mais si jamais Washington devait trop le pousser à faire de véritables concessions aux Palestiniens, Nétanyahou pourrait «manoeuvrer pour écorcher l'image d'Obama.»

Changé, Nétanyahou? Oui, selon le commentateur israélien Akiva Eldar qui le juge «plus mature, plus expérimenté, plus sophistiqué... et plus dangereux.»

 

Gros cabinet

Il faudra mettre une rallonge à la table ministérielle pour y loger tous les membres du nouveau gouvernement israélien, ironisaient les médias hier. Pour pouvoir former une coalition gouvernementale à l'issue du scrutin du 10 février, Nétanyahou a dû faire plaisir aux uns et aux autres en distribuant 30 portefeuilles ministériels. Le plus controversé reste son ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. Originaire de Moldavie, ce russophone aux opinions radicales veut imposer un «serment d'allégeance» aux citoyens arabes d'Israël. Il prône aussi les échanges territoriaux qui permettraient de réduire le nombre d'Arabes vivant en Israël. La coalition de Nétanyahou demeure fragile: elle repose sur l'appui de 69 députés, sur un total de 120.