Etouffées par des années de violences, les galeries d'art ont commencé à refleurir à Bagdad, ranimant peu à peu ce qui fut la capitale culturelle du monde arabe.

«Les galeries montrent un retour remarquable à un haut niveau d'activité», se réjouit Salah Abbas, un responsable de la Commission indépendante des Arts plastiques.«Nous avons reçu des dizaines de demandes d'ouverture de galeries à Bagdad et dans d'autres villes», ajoute M. Abbas, également rédacteur en chef de Tachkil, le magazine du ministère de la Culture.Selon lui, la baisse des violences, amorcée au second semestre 2007, a eu «un impact psychologique sur les artistes et les amateurs d'art».Bagdad a longtemps occupé une place prépondérante dans la production littéraire, artistique et intellectuelle du monde arabe et musulman.Mais avec l'explosion des violences qui a suivi l'invasion menée par les États-Unis en 2003, la plupart des artistes et peintres reconnus ont fui à l'étranger.Aujourd'hui, même si les attentats restent quasi quotidiens et que deux attentats suicide ont récemment fait une soixantaine de morts à trois jours d'intervalle, le niveau des violences est très inférieur au pic atteint en 2006 et 2007.«Les galeries ont beaucoup souffert et ont été obligées de fermer leurs portes. Les artistes ont donc eu recours à des galeries étrangères pour exposer leurs oeuvres. Mais maintenant, les galeries sont en train de rouvrir», affirme M. Abbas.Qassem Sabti, le propriétaire de la galerie Hewar (dialogue), un important lieu de rencontre des artistes irakiens, se souvient avoir recommandé à ses collègues de ne pas exposer leurs oeuvres ces dernières années de peur de représailles.«J'ai mis en garde tout le monde et je leur ai dit que je n'étais pas responsable de ce qui pourrait leur arriver», dit-il. Mais «la situation a changé», ajoute-t-il.Avant la guerre de 2003, Bagdad comptait à elle seule une soixantaine de galeries. Seules trois d'entre elles étaient restées ouvertes après le renversement du régime du président Saddam Hussein -- Hewar, Akad et Madarat-- en plus de quelques ateliers d'artistes.Aujourd'hui, plusieurs galeries, publiques ou privées, ont repris leurs activités, avec à l'honneur les artistes irakiens Alaa al-Hamdani, Sattar Luqman et Mondher Ali.Bagdad «foisonnait culturellement avant d'être le théâtre de violences et de destructions», regrette M. Ali, 61 ans, qui expose en ce moment ses oeuvres à la galerie Madarat.Ses sculptures sur bois, rassemblées sous le nom «Souvenirs de Bagdad», représentent des femmes victimes de l'horreur, au corps mutilé.À la galerie Akad, près des berges du Tigre, se tient la troisième exposition récente de célèbre Sattar Luqman. Les quelque 30 oeuvres exposées reflètent la fascination du peintre pour les détails de la vie ordinaire à Bagdad, et les traditions effacées par le temps. 65 ans, M. Luqman, dont des oeuvres sont exposées au Musée irakien, a aussi participé à des expositions à Dubaï en 2004 et 2008.Dans le sud de l'Irak, Bassorah et Hilla comptent désormais chacune trois galeries, tout comme Erbil et Souleimaniyeh dans le nord.Et signe de la progressive reprise de la vie culturelle, écrivains et poètes ont repris leurs réunions hebdomadaires. En octobre, des représentations nocturnes ont eu lieu au Théâtre national de Bagdad pour la première fois depuis l'invasion.