Accusant l'armée israélienne et le Hamas de commettre des crimes de guerre contre des civils, Amnistie internationale demande aux Nations unies d'imposer le plus tôt possible un embargo total sur les armes à destination des deux belligérants.

«Israël et le Hamas utilisent tous les deux des armes obtenues de pays étrangers pour attaquer des civils, selon de nouvelles preuves obtenues par Amnistie», écrit l'organisation dans un communiqué qui accompagne un rapport de 38 pages, rendu public hier à Londres.

 

Le document a été préparé par une équipe de rapporteurs, dont un expert en armement, qui s'est rendue à Gaza et dans le sud d'Israël du 4 janvier au 4 février pour observer la situation après le déclenchement par l'État hébreu d'une opération militaire dans l'enclave palestinienne le 27 décembre dernier.

Les premières pages du document sont consacrées à la description d'utilisation illégale d'armes, notamment dans le cas d'attaques directes ou à l'aveugle contre des civils, toutes deux prohibées par le droit de la guerre.

Phosphore fumant

Amnistie soutient notamment détenir la preuve irréfutable que l'armée israélienne a utilisé des obus au phosphore dans les zones palestiniennes densément peuplées. Ces obus, chargés de contenu hautement inflammable, sont habituellement utilisés sur un champ de bataille pour créer un écran de fumée. Lorsque relâchés dans des secteurs habités, ils sont hautement dommageables et causent des blessures profondes difficiles à traiter.

«L'armée israélienne soutient qu'une seule de ses unités a utilisé ce genre d'obus par erreur. Mais ce n'est pas ce que nous avons vu sur le terrain. Partout dans Gaza, nous avons retrouvé des restes encore fumants», a dit hier à La Presse Donatella Rovera, une des auteurs du rapport, jointe à Londres. Plusieurs des obus trouvés portaient clairement la marque de fabrication américaine.

Ce dernier point n'est pas anodin, pour Amnistie internationale. Car si le rapport fait état de violations perpétrées par les forces armées israéliennes et le Hamas, son principal objectif est de dénoncer la vente des armes par des tiers pays.

Puisque la plupart des roquettes lancées par le Hamas dans les villes israéliennes du sud du pays sont construites à partir de composantes de multiples provenances, les experts ont eu de la difficulté à identifier les pays pourvoyeurs. Ce n'est cependant pas le cas pour Israël. Plus de 95% des armements étrangers utilisés par les forces armées proviennent des États-Unis. Depuis 2002, l'administration Bush a fourni l'équivalent de 19 milliards US en aide militaire directe à Israël, apprend-on dans le rapport.

Une vingtaine d'autres pays, dont la Roumanie, la France et l'Allemagne, sont aussi parmi les pays qui fournissent Israël en armements. Le Canada n'est pas du compte.

Amnistie demande aux pays exportateurs de mettre fin immédiatement au transfert d'armes. «Plusieurs d'entre eux n'ont pas respecté leurs propres lois nationales qui interdisent d'exporter des armes si ces dernières sont utilisées pour commettre des crimes de guerre», remarque Mme Rovera.

Israël furieux

Le nouveau rapport a soulevé l'ire du ministère israélien des Affaires étrangères. «Jamais l'armée n'a volontairement pris des civils pour cibles. Ceux qui ont fait des témoignages (...) sont sous pression du Hamas», a rétorqué le Ministère par voie de communiqué.

Dans le rapport, Amnistie donne notamment la parole à une adolescente de 16 ans hospitalisée après qu'un obus au phosphore eut atterri au premier étage de sa maison. Brûlée aux jambes et aux visages, elle décrit son désarroi. «La douleur est perçante. C'est comme s'il y avait un feu qui brûlait en moi. C'est trop difficile à supporter», témoigne Samia Salman Al-Manay'a.

Au cours des trois semaines qu'a duré l'opération militaire dans la bande de Gaza, les forces armées israéliennes ont tué 1300 Palestiniens, dont quelque 300 enfants. Pendant ce temps, les tirs de roquettes par le Hamas et d'autres groupes palestiniens vers les villes du sud d'Israël ont tué au moins trois personnes et en ont forcé des centaines d'autres à fuir leurs résidences.