Les grands rivaux aux élections législatives israéliennes d'hier, Tzipi Livni et Benyamin Nétanyahou, ont tous deux clamé leur victoire. Et ils avaient tous les deux un peu raison.

Car si Kadima, le parti centriste de Tzipi Livni, a doublé le Likoud de Benyamin Nétanyahou, le bloc des partis de droite se dirige vers une majorité claire à la Knesset, le Parlement israélien.

À partir des résultats presque totaux du scrutin d'hier, les projections donnent 28 sièges au Kadima de Mme Livni et 27 au Likoud de M. Nétanyahou.

Le parti antiarabe d'Avigdor Lieberman se classe quant à lui troisième, avec 14 mandats, suivi par les travaillistes d'Ehoud Barak, avec 13.

Si les résultats réels sont confirmer, Israël risque de se trouver dans une position qui a peu de précédents dans son histoire.

Car même si Tzipi Livni devance Benyamin Nétanyahou, le bloc des partis de droite supplante le bloc centre-gauche par une dizaine de sièges. Ce qui signifie que, malgré son avance, Tzipi Livni pourrait être incapable de former un gouvernement. En prenant le meilleur de ces résultats, chacun des politiciens s'est présenté hier comme le prochain premier ministre d'Israël.

«Nous formerons le prochain gouvernement», a dit Tzipi Livni. «La droite a clairement gagné, je serai le prochain premier ministre», a dit Benyamin Nétanyahou.

Selon le système politique israélien, c'est le président qui choisit le leader qui formera le prochain gouvernement, après consultation avec les partis.

De nombreux commentateurs s'attendaient hier à ce que la direction du gouvernement échoie à Benyamin Nétanyahou, ce politicien faucon qui avait été premier ministre de 1996 à 1999. Mais c'est loin d'être joué, signale Eetta Prince-Gibson, éditrice du Jerusalem Report.

«Il suffirait qu'Avigdor Lieberman se joigne à Tzipi Livni pour qu'elle puisse devenir première ministre», explique-t-elle. Le sociologue Claude Sitbon imaginait pour sa part une coalition Kadima-Likoud-travaillistes, dans l'espoir de barrer la voie aux «extrémistes de Lieberman». Casse-tête politique et délicates transactions à l'horizon.

Près des deux tiers des électeurs ont pris la peine d'aller voter hier, malgré un temps froid et maussade. Dans les bureaux de vote, plusieurs confiaient avoir eu de la peine à se décider, soit parce qu'ils jugeaient les grands partis trop semblables, soit parce qu'ils les croyaient impuissants à réaliser leurs programmes.

«Cette année, le choix est très, très, très difficile, je ne sais pas encore pour qui voter», a confié Lilah Atiya, enseignante dans la trentaine croisée dans un bureau de scrutin de Talpiyot, quartier résidentiel de Jérusalem.

Plus d'une trentaine de partis se disputaient la faveur des électeurs. Certains défendent des intérêts très particuliers : ceux des retraités, des fumeurs de marijuana ou des pères célibataires, par exemple.

Voyant la course se resserrer, plusieurs électeurs se sont rabattus sur les grandes formations politiques, délaissant les partis marginaux. Un psychiatre à la retraite, rencontré dans un bureau de vote de la vieille ville de Jérusalem, a confié avoir voulu voter pour l'ultra-religieux Shas. Puis il s'est ravisé et a choisi «Bibi» Nétanyahou qui, contrairement à Tzipi Livni, «n'est pas prêt à tout céder aux Palestiniens».

Pour Shachar Avivi, 29 ans, c'est précisément l'inverse. «J'ai voté pour Tzipi Livni parce qu'elle a une approche plus douce, on ne peut pas toujours frapper les Palestiniens avec un marteau !»

Comme ça a été le cas pendant la campagne électorale, le thème de la sécurité revenait souvent dans les commentaires, hier. «Nous avons été bouleversés par la guerre avec Gaza», dit Françoise Sultan, dont la famille vit à Sderot, une ville visée par les roquettes du Hamas.

«Un jour, une roquette est tombée à deux mètres de la maison. C'est un miracle que personne n'ait été blessé. Mais on ne peut pas toujours compter sur des miracles.» Jugeant que Tzipi Livni ferait trop de concessions aux Palestiniens, Françoise Sultan a voté pour Nétanyahou.