Jallal Madi a le visage crasseux et les mains noires. Un pic en fer à la main, il récolte des morceaux de plastique dans une décharge nauséabonde de Gaza: il en tirera l'équivalent de deux dollars tout au plus. «Tout le monde nous a oubliés», lâche-t-il en poursuivant sa récolte.

La guerre de Gaza et le blocus israélien ont ravagé le territoire palestinien. L'économie est à l'arrêt, les frontières sont fermées et le taux de chômage atteint des records. Pour les plus pauvres, le quotidien est devenu une affaire de survie.

Seules les ordures ou la récupération de ferraille leur permettent d'obtenir quelques shekels (un dollar = 4 shekels) en plus des subsides de l'agence de l'Onu pour les réfugiés (Unrwa), qui vient en aide à 900 000 personnes sur une population de 1,5 million.

A la décharge de Yarmouk, dans le centre de Gaza, ils sont une vingtaine, des pères de famille, des adolescents et des enfants à fouiller dans les montagnes d'immondices.

Jallal a 30 ans et cinq enfants. «Tous des garçons», dit-il fièrement. Il vient ici presque tous les jours pour ramasser entre trois et cinq kilos de plastique qu'il revend à une entreprise locale de recyclage.

«Les gens du Hamas reçoivent de l'argent (d'Ismaïl) Haniyeh (le Premier ministre du mouvement islamiste). Ceux du Fatah reçoivent de Mahmoud Abbas (le président palestinien). Nous, on reçoit rien», se lamente le jeune homme.

«Après la mort de Yasser Arafat, tout le monde nous a oubliés».

Un camion d'ordures arrive. Les enfants courent derrière la benne qui déverse les détritus. «Ecartez-vous!», lance un des employés municipaux avant de repartir en vitesse pour une nouvelle tournée.

A quelques mètres, Abou Mohammed, 48 ans, prend une pause, appuyé sur sa carriole sans faire attention à l'agitation. Une cigarette serrée entre ses doigts décharnés, il explique: «Chaque jour, je viens ici vers 14h et je repars le soir. On gagne 5, 10 shekels pas plus».

«C'est juste assez pour acheter un peu de pain et de tomates. La situation est dure, très dure», poursuit-il.

Comme beaucoup d'hommes à Gaza, il a travaillé longtemps en Israël comme ouvrier dans le bâtiment. Il raconte ce temps avec un brin de nostalgie. «Nous ramenions 4.000 shekels (1.000 USD) par mois. J'ai travaillé à Eilat, Dimona, Haïfa».

Depuis début 2006, Israël a cessé d'autoriser les travailleurs palestiniens de Gaza à se rendre sur son territoire. En juin 2007, il a imposé un strict blocus de la bande de Gaza en représailles à la prise du pouvoir par le mouvement islamiste Hamas.

En raison du bouclage, le secteur de la construction, où travaillait Abou Mohammed, a périclité. «Toutes les usines ont fermé. Et pendant l'offensive, Israël les a détruites», dit-il.

«Je vois de plus en plus de personnes venir ici», assure encore Abou Mohammed, qui dit avoir «honte» de donner son vrai nom de crainte que ses proches ne sachent quel est son travail.

Chaaban, 27 ans, s'approche la tête baissée à la recherche d'un bout de plastique revendable, comme une bouteille ou mieux un bidon.

«Avant je travaillais dans la construction. Mais depuis ma blessure, ma main est paralysée», lance ce père de trois enfants, en montrant son avant-bras, barré par une large cicatrice. Il a a été blessé en 2007 dans les affrontements entre partisans du Hamas et du Fatah.

Il reçoit des coupons de l'Unrwa, soit quelques kilos de farine et de riz tous les trois mois. «Cela ne nous suffit pas du tout», dit-il. Et de poursuivre: «Notre vie, c'est les ordures. Autant dire que nous n'avons pas de vie».