Le journaliste irakien devenu célèbre pour avoir lancé ses chaussures sur le président américain George W. Bush sera jugé à partir du 31 décembre par un tribunal de Bagdad et risque jusqu'à 15 ans de prison pour «agression contre un chef d'État étranger».

Parallèlement, le juge chargé de l'instruction, Dhiya al-Kenani, a qualifié de «mensonges» lundi les allégations du frère du journaliste affirmant que Mountazer al-Zaïdi avait été «torturé», notamment à l'électricité, par des agents de sécurité.

«L'enquête est finie et le dossier a été transféré à la cour criminelle centrale d'Irak. Le procès commencera le mercredi 31 décembre. Il se déroulera devant cette cour, en présence des médias», a déclaré le juge d'instruction joint par téléphone.

Le journaliste de 29 ans est devenu célèbre en insultant et en lançant ses chaussures le 14 décembre sur George W. Bush lors d'une conférence de presse commune avec le premier ministre irakien Nouri al-Maliki à Bagdad.

Le journaliste, qui travaille pour la chaîne de télévision irakienne Al-Bagdadia, est poursuivi pour «agression contre un chef d'État étranger lors d'une visite officielle».

Selon l'article 223 du code pénal irakien, il risque de 5 à 15 ans de prison si le qualificatif «d'agression caractérisée» est retenu.

Mais le tribunal peut estimer qu'il s'agit d'une «tentative d'agression», punie seulement d'un à cinq ans de prison.

Mountazer al-Zaïdi va être jugé par la Cour criminelle centrale d'Irak, compétente pour les affaires de terrorisme.

Le journaliste devenu un «héros» pour certains dans le monde arabe, qui imitent désormais son geste, a porté plainte dimanche contre les agents de sécurité du premier ministre qu'il accuse de l'avoir battu après son arrestation.

Lors de la conférence de presse, les journalistes couvrant la visite d'adieu de George W. Bush avaient été les premiers à réagir et à maîtriser Mountazer al-Zaïdi avant que les services de sécurité irakiens et américains n'interviennent et ne l'évacuent manu militari.

«J'ai rencontré mon frère hier (dimanche, ndlr). Il a été torturé pendant 36 heures d'affilée. Il a été frappé à coups de barre de fer et de câbles électriques», a affirmé Oudaï, un de ses frères.

«Il a également été torturé à l'électricité», a ajouté Oudaï, affirmant que les agents de sécurité avaient voulu le «forcer à signer des aveux reconnaissant qu'il avait touché de l'argent de différents groupes».

«Mountazer m'a dit qu'il n'avait pas lancé ses chaussures pour la gloire et qu'il s'attendait à être tué en lançant ses chaussures», a dit Oudaï.

Interrogé, le juge d'instruction a accusé Oudaï al-Zaïdi de «mentir».

«S'il était vrai qu'il a été torturé à l'électricité, cela laisserait des brûlures sur le corps et vous le verrez pendant le procès», a déclaré le magistrat.

Il a toutefois rappelé que Moutazer avait été été victime de coups au moment de son arrestation, soulignant que sa plainte ne portait que sur cela.

«Nous enverrons une lettre aux agents de sécurité du Conseil des ministres pour les traduire en justice et prendrons toutes les mesures nécessaires pour les juger», a précisé M. Kenani.

«Ni nous, ni Mountazer ne connaissons leurs noms, mais nous pouvons reconnaître certains d'entre eux sur les images vidéo», a souligné le juge.

De son côté, Nouri al-Maliki avait estimé dimanche que la justice devait «suivre son cours», «même si cela menait à la libération» de Mountazer al-Zaïdi.

Dans un communiqué publié lundi, M. Maliki a affirmé que dans une lettre de «pardon» reçue de Mountazer, le journaliste avait «révélé qu'une personne l'avait incité à commettre ce geste». «Cette personne est connue pour couper la tête des gens», a ajouté le chef du gouvernement irakien, sans autre précision.

En revanche, Oudaï a affirmé que son frère «l'avait assuré, qu'en dépit des tortures, il ne s'était jamais excusé et ne s'excusera jamais pour ce qu'il a fait».