En mai 2007, le camp de Nahr el-Bared a été détruit par les affrontements entre l'armée libanaise et le groupe terroriste Fatah el-Islam. Les combats ont duré trois mois et causé la mort de plus de 400 personnes, dont 50 civils. Un an et demi plus tard, les ressources pour aider les réfugiés commencent à manquer, et la situation est jugée critique.

Iman Daoud a quitté le camp palestinien de Nahr el-Bared, dans le nord du Liban, au cinquième jour des affrontements entre l'armée libanaise et le Fatah el-Islam, en mai 2007. Elle habite maintenant le camp voisin de Beddawi. Son mari, ses trois enfants et elle-même vivent dans un ancien garage. L'unique pièce est recouverte d'un tapis, qui fait office de fauteuil, de lit ou de table, selon le moment de la journée.

 

Les habitants de Nahr el-Bared sont doublement réfugiés. Même ceux qui sont nés au Liban conservent leur statut de réfugiés palestiniens, ce qui limite le nombre d'endroits où ils peuvent vivre et de métiers qu'ils peuvent exercer. Après les bombardements, la majorité d'entre eux ont été envoyés dans le camp palestinien voisin, mal équipé pour accueillir plus de 20 000 personnes supplémentaires, l'équivalent de sa population initiale. Des garages ont été reconvertis en logement d'une pièce, mal isolés et sommairement meublés. L'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) craint de devoir réduire sa distribution de nourriture par manque de fonds.

«On survit au jour le jour», confie la femme de 28 ans, enceinte de son quatrième enfant. «Avant, on recevait de l'argent chaque mois de l'UNRWA. Mais ça fait trois mois qu'on n'a rien reçu», dit-elle.

L'UNRWA a lancé un appel d'urgence en septembre dernier, avec pour objectif d'amasser 42,7 millions de dollars américains pour la reconstruction du camp et l'aide aux réfugiés. En octobre dernier, l'organisme avait reçu environ 10% de la somme, des États-Unis.

Au début du mois de novembre, le gouvernement basque a annoncé un don supplémentaire de près de 200 000$US. Une somme qui laisse encore le programme «sous-financé», selon le vice-directeur du projet pour la reconstruction de Nahr el-Bared, Mohamed Abdelal. «La situation est critique. Nous serons forcés de faire des choix très difficiles», dit-il.

Si l'argent n'est pas au rendez-vous sous peu, l'organisme sera forcé de réduire ses programmes d'aide. L'UNRWA pourrait devoir choisir entre resserrer sa distribution de nourriture ou annuler l'allocation distribuée aux familles nécessiteuses pour payer le loyer. Des réfugiés relogés dans des appartements et des garages à l'extérieur du camp pourraient être évincés, faute de pouvoir payer leur logis sans cette somme.

Situation délicate

La condition des réfugiés palestiniens est particulièrement délicate au Liban. Plus de 200 000 personnes vivent dans les 12 camps officiels répartis dans le pays. Le nombre total de réfugiés palestiniens est estimé à plus de 400 000, soit 10% de la population libanaise. Ils ne peuvent devenir médecins ou avocats; seules 70 professions leur sont autorisées. Leur situation est longtemps demeurée taboue. En 2005, le gouvernement a créé la Commission du dialogue palestinien-libanais (LPDC) pour tenter d'améliorer les conditions de vie des Palestiniens, mais aussi pour désarmer les camps et relancer le processus diplomatique entre les deux parties.

«La situation des Palestiniens dans les camps est inacceptable du point de vue humain», concède le consultant politique du président du LPDC, Ziad El-Sayegh. Mais il insiste sur le caractère «symbolique et temporaire» des camps, délimités par des barbelés et des postes de contrôle. Les Palestiniens comptent en effet sur le «droit au retour» sur leurs terres ancestrales, dans ce qui est aujourd'hui l'État d'Israël et la Cisjordanie. Ce droit leur est reconnu notamment par la résolution 194 des Nations unies en 1948.

Selon M. El-Sayegh, le nouveau camp de Nahr el-Bared sera mieux aménagé et améliorera les conditions des réfugiés. La première étape de reconstruction a eu lieu il y a un mois, avec le début du déblayage des ruines. «Si nous obtenons l'argent, les gens pourront réintégrer le camp à la fin de l'an prochain. Le camp serait terminé en 2011», précise Mohamed Abdelal.

Iman Daoud demeure quant à elle pessimiste. «Je ne suis pas sûre qu'on pourra rentrer de sitôt», confie-t-elle. Une crainte partagée par plusieurs Palestiniens rencontrés, qui craignent que Nahr el-Bared ne subisse le même sort que trois camps détruits pendant la guerre, mais jamais reconstruits.