C'est peut-être à Bombay qu'a échoué votre vieil ordinateur. En Inde, aucune législation n'encadre le recyclage des déchets électroniques. Si bien qu'hommes, femmes et enfants travaillent dans des conditions déplorables et sans aucun respect pour l'environnement.

Dans le petit atelier, quasiment plongé dans l'obscurité en plein après-midi, l'air est difficilement respirable et le bruit assourdissant. Assis à même le sol, le visage trempé de sueur, Avinash Kumar désosse un ordinateur à mains nues.

 

Le jeune homme travaille dans une des unités de recyclage de biens électroniques qui fourmillent à Kurla, un des quartiers les plus pauvres de Bombay. Sa soeur Prema collecte les vieux appareils dans les quartiers résidentiels ou au Bandra Kurla Complex, nouveau quartier d'affaires où les plus grands noms de «l'Inde qui brille» ont installé leurs sièges sociaux.

Puis, de 8h du matin à 8h du soir, sept jours sur sept, ils récupèrent ce qui a de la valeur dans les vieux ordinateurs, les téléphones portables et les téléviseurs. Et ce, pour un salaire de misère.

Sans masque ni aucune protection particulière, Avinash plonge les circuits électroniques dans des bains d'acides pour en extraire les métaux précieux qu'il refourgue ensuite à l'industrie de la joaillerie. Il brûle également les câbles en plastique pour récupérer le cuivre à l'intérieur. Ce qui ne peut être ni revendu ni réutilisé est brûlé en plein air, enfoui sous terre ou jeté dans la rivière.

Le recyclage «scientifique» est un procédé industriel onéreux, que les matières précieuses récupérées ne suffisent pas à rendre suffisamment rentable. Pour augmenter les marges et par ignorance, les responsables des ateliers négligent la sécurité de leurs employés, et l'environnement.

Le «poison» ou la faim

Or on trouve plus de mille substances toxiques à l'intérieur d'un ordinateur: le plomb, le mercure et le cadmium sont particulièrement dangereux pour le cerveau, les reins et le système reproductif. «Entre la misère et le poison, entre mourir de faim demain ou d'un cancer dans 20 ans, est-ce que j'ai vraiment le choix?» se résigne Avinash.

Dans les bidonvilles de Bombay, les unités de recyclage jouxtent les maisons de tôles et de carton. Des filets d'eau multicolores coulent à l'extérieur des ateliers et s'infiltrent dans le sol. La fumée empoisonne l'atmosphère.

«La nuit c'est pire, on peut à peine respirer. Ma famille et moi avons du mal à dormir, se plaint Rahul Kapoor, un riverain. On essaie de lutter. Nous nous plaignons régulièrement, mais les propriétaires des ateliers ont la police de leur côté.»

Quelques centaines de roupies par mois (l'équivalent de quelques dollars canadiens) et les autorités ferment les yeux.

D'autant plus qu'en Inde, aucune législation ne régit cette industrie. Seulement 40% des déchets électroniques sont recyclés, dont 95% par le secteur informel. La plupart des employés sont de jeunes hommes célibataires originaires des États du nord particulièrement pauvres. Les petites échoppes, qui comptent généralement moins de 10 employés, ne sont pas, en conformité avec la loi indienne, systématiquement déclarées.

La ville la plus dynamique de l'Inde au plan économique est également en passe de devenir la capitale mondiale des déchets électroniques. Le pays est en outre la poubelle de l'Occident.

Les importations des appareils électriques ou électroniques usagés sont extrêmement difficiles à chiffrer, puisque selon la convention de Bâle, il est interdit aux pays de l'OCDE d'exporter leurs déchets vers des pays plus pauvres.

Mais les associations écologistes estiment qu'elles sont de l'ordre de 50 000 tonnes par an, surtout en provenance des États-Unis, pays qui n'a pas signé la convention.