Des hommes politiques israéliens de tous bords ont exprimé vendredi leur indignation après la diffusion par deux télévisions d'interviews de l'assassin du premier ministre Yitzhak Rabin, qui purge une peine de prison à vie.

Les entretiens téléphoniques avec Yigal Amir, diffusés par deux chaînes privées, la Deux et la Dix, ont été réalisés quelques jours avant le 13e anniversaire de l'assassinat de M. Rabin à Tel-Aviv, le 4 novembre 1995.

Amir, 43 ans, a notamment affirmé dans des extraits diffusés jeudi soir avoir assassiné Yitzhak Rabin sous l'influence de la rhétorique de diverses personnalités politiques et militaires apparentées à la droite nationaliste et hostiles aux accords d'autonomie d'Oslo de 1993 avec les Palestiniens.

Il a en particulier cité l'ancien premier ministre Ariel Sharon, dans le coma depuis janvier 2006, le défunt général Rafaël Eytan, un ex-chef d'état-major, et l'ancien ministre du Tourisme Rehavam Zeevi, assassiné par un groupe palestinien en 2001.

«Yigal Amir doit croupir en prison pour le reste de sa vie. En aucune circonstance il ne doit participer au débat public médiatisé», a réagi dans un communiqué le ministre de la Défense Ehud Barak, chef du parti travailliste qui était dirigé par M. Rabin.

«Les propos blasphématoires que nous entendons à chaque fois que l'assassin ouvre la bouche et qui font l'objet d'une couverture médiatique nous déshonorent en tant qu'État et et en tant que peuple», a renchéri le député travailliste Michael Melchior, un rabbin.

La décision de diffuser les interviews, réalisées sans l'accord des autorités pénitentiaires, a également été critiquée par Zevoloun Orlev, chef du Parti national religieux (PNR), porte-voix des colons.

«Je pense que les interviews avec le meurtrier abject ont brisé le boycottage qui était, et aurait dû rester, en place, contre Yigal Amir», a-t-il déclaré à la radio.

«Je regrette que la course à l'audimat entre chaînes privées nous ait fait dévier de cette règle», a-t-il ajouté.

Même son de cloche dans la presse. «Ces interviews ne contribuent en rien à la liberté d'expression. On assiste depuis un moment à un processus de légitimation de ce minable meurtrier», a ainsi écrit l'éditorialiste Ben Dror Yemini dans le quotidien de droite Maariv.

Pour Sever Plotzcker, un des principaux correspondants du quotidien à grand tirage Yedioth Ahronoth, «la diffusion d'une interview avec Yigal Rabin relève d'un journalisme méprisable que rien ne peut justifier».

Face au tollé, la Deux a annoncé qu'elle renonçait à la diffusion de l'interview intégrale prévue vendredi, en même temps que la Dix, dans le journal du soir.

Yigal Amir, un juif d'extrême droite, n'a jamais exprimé de regrets pour son geste. La frange la plus radicale de l'extrême droite israélienne a entamé une campagne nationale pour sa libération.

Il a épousé en 2004 Larissa, récemment immigrée en provenance de l'ex-URSS, et a pu s'isoler avec elle une fois par mois depuis octobre 2006, en vertu d'une décision de la Cour suprême qui lui a reconnu le droit d'avoir un enfant.

Larissa Amir a donné naissance le 28 octobre 2007 à un bébé conçu au cours d'une de ses visites en prison.

L'autorité pénitentiaire israélienne a décidé de punir Yigal Amir pour avoir donné les interviews sans autorisation en le transférant de la prison de Rimonim près de Tel-Aviv vers une prison du sud du pays.

Il lui sera jusqu'à nouvel ordre interdit de recevoir des visites de son épouse et sa famille. En outre, il ne pourra pas non plus avoir accès au téléphone public de la prison.