La Syrie et le Liban ont établi des relations diplomatiques mercredi pour la première fois depuis la proclamation de leur indépendance il y a plus de 60 ans, un premier pas vers la normalisation de leurs rapports marqués par une longue tutelle syrienne sur son petit voisin.

Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem et son homologue libanais Fawzi Salloukh, en visite à Damas, «annoncent le début de relations diplomatiques entre la République arabe syrienne et la République libanaise à partir de ce jour 15 octobre 2008», a indiqué un communiqué commun.

Le texte «réaffirme la détermination des deux parties à renforcer et consolider leurs relations sur la base du respect mutuel, de la souveraineté et de l'indépendance de chacune et de préserver les relations fraternelles privilégiées entre les deux pays».

L'ouverture d'ambassades à Damas et Beyrouth «interviendra avant la fin de l'année», a déclaré M. Mouallem lors d'une conférence de presse conjointe.

La Syrie a retiré ses troupes du Liban en avril 2005 après une tutelle de 30 ans marquée par des attentats et des accusations d'ingérence politique.

Elle y avait été contrainte par les protestations provoquées par l'assassinat deux mois auparavant de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, dans lequel Damas a été mis en cause mais a nié toute implication.

La décision de nouer des relations diplomatiques avait été annoncée par le président français Nicolas Sarkozy après une rencontre à trois avec le président Bachar al-Assad et son homologue libanais Michel Sleimane en juillet à Paris.

Considérée par la majorité parlementaire de Beyrouth comme une reconnaissance de la souveraineté du Liban, la volonté de normalisation avait été confirmée à la mi-août à Damas lors d'un sommet bilatéral.

M. Salloukh a de son coté espéré qu'elles dépassent le cadre strictement officiel et a souligné que plusieurs questions restaient à régler rapidement, comme le sort des prisonniers libanais en Syrie et la délimitation de la frontière commune.

MM. Mouallem et Salloukh ont par ailleurs évoqué une coordination en matière de sécurité au moment où le déploiement de troupes syriennes à la frontière, officiellement pour «empêcher la contrebande et le sabotage», a ravivé les craintes chez certains Libanais.

Selon M. Salloukh, les accords passés et faisant la part belle à la Syrie sont à l'étude et «pourraient être amendés».

Les deux pays restent liés par un «Traité de fraternité» datant de 1991 stipulant une étroite coordination politique, économique et sur les questions de sécurité. Des membres de la majorité parlementaire antisyrienne libanaise jugent qu'il privilégie les intérêts de Damas.

«Etablir des liens diplomatiques avec la Syrie est une démarche naturelle pour le retour à la normale des relations entre les deux pays», s'est félicité le président du Parlement libanais, Nabih Berri, l'un des chefs de file du camp prosyrien.

Le ministre libanais de la Justice, Ibrahim Najjar, a pour sa part estimé qu'il fallait «revoir plusieurs accords issus du Traité de fraternité».

M. Mouallem a dit ne pas vouloir limiter les rapports aux seules relations diplomatiques. «Les ambassades ont leur rôle, mais il y a également les contacts directs entre les ministres».

Concernant les inquiétudes sur le rôle que pourrait jouer la future ambassade syrienne en matière de renseignements, M. Mouallem a estimé que «cela n'existe que dans l'esprit de certains Libanais».

A l'étranger, la France s'est félicitée de la décision.

«C'est une étape importante pour la stabilisation de la région», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Eric Chevallier.