Une première explosion secoue le centre de Bagdad: une mine vient de détruire un véhicule blindé tout proche de l'entrée de la «zone verte». Quatre minutes plus tard, une voiture piégée explose à dix pas de là, provoquant la panique parmi les policiers et militaires irakiens.

 

Un épais panache de fumée noire s'envole vers le ciel. L'attaque a eu lieu peu avant 11H00 (3 h HAE) en face du ministère irakien des Affaires étrangères, à quelques dizaines de mètres de l'entrée principale de la «zone verte», dans l'un des endroits en théorie les mieux protégés de la capitale.

Les deux véhicules étaient garés sur un terrain vague qui sert habituellement de parking aux habitants du quartier Salhiyah, des dizaines d'immeubles défraîchis datant des années 1970 dont les parvis sont jonchés d'ordures.

Un ou deux véhicules blindés, parfois des 4X4 de la police, sont habituellement garés là au milieu de dizaines de voitures, certains appartenant à quelques officiers supérieurs et «grosses légumes» vivant à Salhiyah.

La première bombe --une mine magnétique selon des témoins--, avait été dissimulée sous le châssis de l'engin blindé garé juste au pied d'une barre d'immeubles.

L'engin a été presque totalement détruit. Sa coque de métal beige, frappée du drapeau irakien, a été comme soufflé de l'intérieur.

Les lourdes portières brinquebalantes ne tiennent plus que par une mince tige de fer. Des quatre larges pneus, il ne reste que quelques traces de plastique déchiqueté sur des jantes noircies.

A dix mètres de là, la carcasse éventrée et calcinée de la voiture piégée gît sur la chaussée, encore fumante. Des pompiers venus d'une caserne toute proche arrosent à grande eau l'amas de fer tordu qui été retourné par le souffle de l'explosion.

Sur un mode opératoire classique, la seconde bombe a explosé quatre minutes après la mine, afin de faucher le maximum de victimes.

Par chance, l'attaque n'a fait qu'un blessé, un soldat irakien, alors que les enfants du voisinage aiment souvent à venir chahuter sur ce parking dont l'accès est gardé par une lourde barrière.

Les pare-brises des dizaines de voitures voisines ont été soufflés, leurs carrosseries sont grêlées par les éclats de ferrailles.

Dans le crissement des éclats de verre jonchant la chaussée, des policiers en armes courent entre les voitures pour empêcher quiconque de faire usage de son téléphone portable. Ils craignent une troisième explosion ou un possible attentat suicide qui ferait alors un massacre au milieu de cette fourmilière.

Des rafales déchirent le ciel. Sur un carrefour voisin embouteillé, les militaires tirent en l'air, pistolet glock ou kalachnikov en main. Ils vocifèrent pour chasser les curieux et tentent de frayer un passage aux véhicules officiels au milieu des embouteillages.

Quelques gamins passent une tête curieuse par dessus les balcons. Une mère emporte en courant son enfant dans les bras, disparaissant dans le hall d'un immeuble.

Des ambulances du Croissant Rouge, toutes sirènes hurlantes, continuent d'arriver sur les lieux. Leurs infirmiers, déjà équipés de gants chirurgicaux, en descendent précipitamment pour porter secours aux victimes, avant de remballer tout aussi vite, soulagés, leur brancard.

Les auteurs de l'attaque semblent cette fois avoir manqué leur coup. Peut-être une simple coïncidence, le double attentat a eu lieu au moment même où le numéro deux de la diplomatie américaine John Negroponte débutait une conférence de presse à l'intérieur de la zone verte, à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau.

L'attaque n'a aucunement troublé l'intervention du diplomate, qui s'est félicité une nouvelle fois devant les journalistes des «progrès frappants» de la sécurité en Irak.