(Londres) L’ancien premier ministre britannique Boris Johnson a remis vendredi soir avec fracas son mandat de député, invoquant l’enquête parlementaire sur le « partygate », les fêtes tenues à Downing Street en violation des restrictions liées à la COVID-19.

Boris Johnson, 58 ans, a indiqué que sa décision était effective immédiatement, déclenchant une élection partielle qui met fin dans l’immédiat à toute perspective de retour mais met aussi en relief les divisions au sein du pouvoir conservateur, aggravant les difficultés de son successeur Rishi Sunak à un an des prochaines législatives.

Un an après avoir été chassé de Downing Street par sa majorité après trois ans au pouvoir marqués par une succession de scandales, M. Johnson reste sous le coup d’une enquête parlementaire chargée de déterminer s’il avait trompé le Parlement dans l’affaire du « partygate ».

Une commission d’enquête parlementaire doit dire si Boris Johnson a menti au Parlement en affirmant à plusieurs reprises que toutes les restrictions sanitaires avaient été respectées à Downing Street.

La procédure, menée par la commission des privilèges, est en train de finir ses travaux et venait selon la presse britannique de remettre ses conclusions à l’ancien dirigeant.

« J’ai reçu une lettre de la commission des privilèges qui indique clairement – à mon grand étonnement – qu’elle est déterminée à utiliser la procédure contre moi pour me chasser du Parlement », a écrit l’ancien premier ministre conservateur dans un communiqué.

« Je suis très triste de quitter le Parlement – du moins pour l’instant – mais je suis surtout consterné d’avoir été contraint de partir, de manière antidémocratique », a-t-il ajouté, accusant la commission de « parti pris flagrant ».

Dans ce communiqué, il accuse la commission d’avoir produit un rapport qui n’a pas encore été publié, « truffé d’inexactitudes et empestant les préjugés », sans lui donner « aucune possibilité formelle de contester ce qu’ils disent ».

Réagissant à sa démission, la commission des privilèges a déclaré que M. Johnson avait « porté atteinte à l’intégrité du Parlement » par ses déclarations.

Elle a par ailleurs annoncé qu’elle se réunirait lundi pour conclure ses travaux et qu’elle publierait son rapport « rapidement ».

Tests électoraux

En mars, entendu pendant plus de trois heures par la commission, Boris Johnson avait affirmé « la main sur le cœur » qu’il n’avait pas menti au Parlement.

Il a été contraint à la démission l’été dernier après une succession de scandales, au premier rang desquels ses fêtes à Downing Street pendant les confinements. Il a fait face à des démissions en cascade au sein de son gouvernement, dont celle de Rishi Sunak.

Mais le dirigeant charismatique, qui était toujours député, est resté très influent dans la majorité conservatrice.

Boris Johnson, qui s’apprête à fêter ses 59 ans et à avoir son huitième enfant, n’a pas caché son envie de retourner au pouvoir, même s’il s’est reconverti en s’exprimant à des conférences qui lui rapportent des millions.

Comme il le souligne dans sa déclaration de vendredi soir, sa démission déclenche une élection partielle immédiate.

Plus tôt dans la journée, une de ses plus proches alliées, son ancienne ministre de la Culture qui était toujours députée, Nadine Dorries, a elle aussi annoncé sa démission avec effet immédiat.

Revanche

Le premier ministre Rishi Sunak, en poste depuis octobre, va ainsi se retrouver devant des tests électoraux qui s’annoncent difficiles au moment où les conservateurs sont au plus bas dans les sondages, après 13 ans au pouvoir.

Début mai, les conservateurs ont déjà subi des pertes importantes lors d’élections locales en Angleterre.

La démission de Boris Johnson va probablement être perçue comme une revanche contre Rishi Sunak.

L’ex-dirigeant étrille d’ailleurs le gouvernement dans son communiqué.

« Lorsque j’ai quitté mes fonctions l’année dernière, le gouvernement n’avait qu’une poignée de points de retard dans les sondages. Cet écart s’est aujourd’hui considérablement creusé », écrit-il.

« Quelques années seulement après avoir remporté la plus grande majorité en près d’un demi-siècle (son élection en 2019, NDLR), cette majorité est aujourd’hui clairement menacée », critique-t-il. « Notre parti doit de toute urgence retrouver son élan et sa foi en ce que ce pays peut faire ».

Angela Rayner, du parti travailliste, n’a pas tardé à réagir sur Twitter. « Alors que Boris Johnson se retire en disgrâce, les Britanniques en ont assez de cet interminable feuilleton conservateur qui se joue à leurs dépens ».

Et d’ajouter : « Après treize ans de chaos conservateur, trop c’est trop. Il est temps de prendre un nouveau départ pour le Royaume-Uni avec un gouvernement travailliste ».

Ses alliés du Brexit récompensés

La « liste d’honneurs » de l’ex-premier ministre a par ailleurs été publiée vendredi, avec des distinctions accordées à ses alliés « brexiters », une coiffeuse, mais par contre pas à son père.  

Après leur départ de Downing Street, les chefs de gouvernement britanniques dressent une « liste d’honneurs », avec les noms des personnes qu’ils souhaitent voir anoblies ou élevées à la Chambre des Lords. Cette liste est ensuite étudiée par un comité gouvernemental puis par Downing Street.  

Boris Johnson a quitté le gouvernement en septembre poussé à la démission après une série de scandales, dont celui du « partygate », ces fêtes organisées à Downing Street pendant la pandémie et le confinement.

La liste de Boris Johnson avait fait polémique en mars, l’ex-chef de gouvernement ayant demandé, selon le quotidien The Times, que son propre père, Stanley Johnson, soit anobli. Finalement, ce dernier n’apparaît pas dans la liste.  

Par contre, Priti Patel, ancienne ministre de l’Intérieur et fidèle de Boris Johnson pour le Brexit, devient « Dame ». Jacob Rees-Mogg, chef d’un groupe de députés conservateurs très eurosceptiques, devient lui « Sir ».

Kelly Dodge, coiffeuse au Parlement, est sur la liste des récompenses pour les conseillers, les rédacteurs de discours et les assistants personnels.

Shaun Bailey, ancien candidat conservateur à la mairie de Londres, qui a été accusé d’avoir enfreint les règles de distanciation sociale pendant la pandémie, fait partie des personnes élevées à la Chambre des Lords, la chambre haute du Parlement britannique composée de parlementaires non-élus.

En revanche, malgré les spéculations, Nadine Dorries, ancienne ministre de la Culture de Boris Johnson, et Alok Sharma, président de la COP26 en 2021, la conférence des Nations unies sur le changement climatique, sont absents de la liste.

Ils étaient pressentis pour entrer à la Chambre des Lords, ce qui aurait entraîné des élections partielles délicates puisqu’ils auraient dû démissionner de leur poste de député à la Chambre basse des Communes.  

Mais Nadine Dorries a annoncé vendredi qu’elle démissionnait avec effet immédiat, plaçant le premier ministre Rishi Sunak devant un test électoral qui s’annonce difficile au moment où les conservateurs sont au plus bas dans les sondages, après 13 ans au pouvoir.