(Genève) Les migrants les plus fragiles sont diabolisés pour marquer des points politiquement, dénonce Amy Pope, élue à la tête de l’agence de l’ONU pour les migrations, et elle promet d’œuvrer à faire évoluer ce discours.

« Ce que nous avons tous vu au cours des deux dernières années, c’est l’instrumentalisation de personnes qui se trouvent dans les situations les plus désespérées et l’utilisation de leur vulnérabilité comme un moyen d’alimenter ce qui est souvent un conflit politique », explique à l’AFP l’Américaine, qui prendra officiellement ses fonctions en octobre de cette année et sera la première femme à diriger l’Organisation internationale pour les migrations.

« Comme tactique, je trouve cela profondément troublant parce que c’est déshumanisant, et que cela ne conduit finalement pas à un meilleur résultat pour personne. »

PHOTO FABRICE COFFRINI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Amy Pope

Plusieurs pays européens se retrouvent sur la sellette pour la façon dont ils traitent les migrants. Le Royaume-Uni est critiqué pour son projet d’envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda et la Grèce, où une vidéo montre des migrants raflés par des personnes encagoulées avant d’être déposées en pleine mer par les garde-côtes, a créé beaucoup d’émoi.  

Et cette semaine, un groupe de migrants, dont des femmes et des enfants, s’est retrouvé coincé à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, empêchés de demander l’asile.

Point idéal

« La principale préoccupation, c’est que les gens aient la possibilité de faire valoir leurs droits à la protection », et qu’ils soient traités équitablement et non pas utilisés comme des pions sur l’échiquier politique, insiste-t-elle, et pour cela il faut changer la façon dont sont dépeints les migrants.  

« En fin de compte, le message que je pense que nous, à l’OIM, devons faire passer, c’est que nous parlons d’êtres humains », souligne-t-elle.

« Nous avons tous vu que quand les gens reconnaissent l’humanité des autres-et je pense que c’est la leçon de l’Ukraine-ils montrent beaucoup plus de bonne volonté et d’ouverture. »

Pour Mme Pope il faut résolument montrer que les migrants peuvent être la solution, pas le problème.  

Ainsi, la pénurie de main-d’œuvre devient un casse-tête dans la plupart des pays riches.  

« C’est le point idéal », estime Mme Pope, suggérant que l’OIM peut aider à montrer à quel point « la migration est bonne pour les économies ».  

« Il faut commencer par reconnaître quels sont les besoins de main-d’œuvre qui existent, puis quelles sont les compétences qui existent », a-t-elle déclaré, ajoutant que l’OIM pourrait aider à faciliter la formation professionnelle.  

L’agence devrait également encourager les gouvernements à créer des voies légales permettant aux migrants possédant les compétences nécessaires d’entrer sur leur territoire. S’ils ne le font pas, « la demande de main-d’œuvre alimentera la migration irrégulière. »

Migrants climatiques

Un autre défi pour l’agence qu’elle va bientôt diriger, c’est l’impact du changement climatique sur les déplacements de population.

« Plus de 300 millions de personnes vivent dans des communautés extrêmement vulnérables au climat », rappelle-t-elle, et d’ajouter qu’« en l’absence de mesures d’atténuation le plus tôt possible, le nombre de personnes ne fera qu’augmenter ».

Pour elle, l’OIM doit explorer « de manière beaucoup plus complète tous les aspects de la mobilité climatique ».  

L’organisation peut identifier les personnes les plus susceptibles d’être déplacées en raison du changement climatique et s’engager avec elles pour renforcer leur résilience.  

Elle a souligné que l’agence pourrait par exemple aider à construire des logements plus résistants ou offrir une formation professionnelle à ceux dont les moyens de subsistance, par exemple l’agriculture, pourraient être menacés par les inondations.  

« Nous, à l’OIM, avons la possibilité de regarder directement ce qui se passe dans la vie des gens maintenant et de les aider à obtenir de meilleurs résultats », a-t-elle déclaré.