(Bruxelles) Le Parlement européen a exprimé jeudi son inquiétude à la perspective de voir la Hongrie de Viktor Orban prendre la présidence du Conseil de l’UE au second semestre 2024, une échéance qui suscite également le malaise de certains États membres.

La résolution votée dans ce contexte par les eurodéputés est toutefois non contraignante, car le Parlement n’a pas le pouvoir de priver la Hongrie de sa présidence tournante.  

Cette hypothèse semble donc improbable, même si la secrétaire d’État allemande aux Affaires européennes Anna Lührmann a exprimé mardi ses « doutes » et le ministre néerlandais des Affaires étrangères Wopke Hoekstra son « inconfort » face à cette perspective, en raison des dérives antidémocratiques de Budapest et de ses liens avec le Kremlin.

La résolution du Parlement européen, qui dénonce une « corruption systémique » en Hongrie, et les menaces contre les droits des personnes LGBTQ+ et des enseignants, ainsi que la pratique de gouverner par décrets, a été largement adoptée par les eurodéputés réunis à Bruxelles en séance plénière.  

L’extrême droite (ID), les eurosceptiques (ECR) et les eurodéputés du parti Fidesz du premier ministre nationaliste Viktor Orban ont voté contre.

« J’espère, et je suis confiante, qu’aucune décision antidémocratique ne sera prise en violation des lois et qu’il ne viendra pas à l’esprit de gens sérieux que la présidence de l’UE puisse être contestée à la Hongrie », a réagi la présidente hongroise Katalin Novak.

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La présidente de la Hongrie Katalin Novak

Le Conseil de l’UE, au sein duquel les ministres des États membres débattent de la législation européenne, est présidé à tour de rôle pour six mois par chacun des 27 pays du bloc. Celui qui préside donne alors l’impulsion, assure la coordination et définit les priorités.

La Hongrie doit prendre cette présidence semestrielle entre juillet et décembre 2024, à la suite de la Belgique et avant la Pologne.  

Le Parlement « s’interroge sur la capacité de la Hongrie à s’acquitter de cette tâche de manière crédible en 2024 au vu de son non-respect du droit et des valeurs » de l’UE.  

« Bafouer l’esprit des traités »

Il demande aux États membres « de trouver une solution appropriée dès que possible » et « rappelle que le Parlement pourrait prendre des mesures appropriées si une telle solution n’était pas trouvée ».

Interrogée sur les mesures que le Parlement pourrait prendre, la rapportrice sur l’État de droit en Hongrie au Parlement européen, Gwendoline Delbos-Corfield (Verts), a reconnu qu’il « faudrait innover, car les textes officiels sont peu diserts ».

L’élue française a aussi précisé que les eurodéputés ne pourraient faire que des « recommandations » et non « décider » de la conduite à tenir par le nouveau Parlement européen qui sera renouvelé lors des élections de juin 2024, juste avant le début de la présidence hongroise.

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Le Parlement européen à Bruxelles en Belgique

Le traité sur l’UE, qui établit le principe de « rotation égale » entre États membres pour cette présidence, ne prévoit pas d’exception à la règle.

Il est arrivé une seule fois qu’un pays y déroge : le Royaume-Uni avait renoncé à l’exercer au deuxième semestre 2017, en raison de la décision des Britanniques de quitter l’Union lors d’un référendum en 2016.

Si le Conseil échoue « à convaincre Viktor Orban de passer son tour », l’eurodéputée néerlandaise Sophie in’t Veld (Renew Europe) suggère de « réduire au strict minimum la coopération » avec cette présidence.

Elle propose « à chaque fois qu’un responsable gouvernemental hongrois viendra s’exprimer au podium du Parlement européen, de convier à ses côtés une personne qui a été réduite au silence par le régime Orban, journaliste, universitaire, membre d’ONG ».

À l’inverse, l’eurodéputé français Jean-Paul Garraud (groupe ID, extrême droite) a fustigé la résolution, estimant que « cette nouvelle initiative consiste littéralement à bafouer l’esprit des traités et à humilier la Hongrie et son peuple ».

La Hongrie est en conflit avec Bruxelles pour des manquements en matière de lutte contre la corruption, d’indépendance des médias et de la justice. Et l’UE a suspendu en réaction des milliards d’euros de fonds européens qui devaient être versés à ce pays.

En outre, depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, Viktor Orban refuse d’aider Kyiv militairement, blâme la politique de sanctions contre Moscou et maintient des liens avec le Kremlin.