(Istanbul) Onze jours et du retard à rattraper : l’opposition turque, qui a manqué de peu d’être battue dès le premier tour dimanche de la présidentielle, veut hausser la voix pour tenter de déloger Recep Tayyip Erdogan du pouvoir le 28 mai.

Son candidat Kemal Kiliçdaroglu, chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), doit se réunir mercredi avec les cinq autres dirigeants de l’alliance de l’opposition turque afin de définir une stratégie plus offensive.  

Selon la presse turque, M. Kiliçdaroglu a purgé une partie de son équipe et va confier les rênes de sa campagne au très populaire maire CHP d’Istanbul Ekrem Imamoglu et à Canan Kaftancioglu, cheville ouvrière de la victoire de M. Imamoglu à Istanbul en 2019, le pire revers électoral du chef de l’État depuis son avènement au poste de premier ministre en 2003.

Kemal Kiliçdaroglu, ancien haut fonctionnaire de 74 ans, avait jusqu’ici mené une campagne très collégiale, à rebours du président Erdogan, et développait sa vision chaque soir ou presque dans de courtes vidéos postées sur les réseaux sociaux, ignorant la plupart des attaques du chef de l’État.

Cette stratégie semblait fonctionner, tant les sondages donnaient M. Kiliçdaroglu en bonne posture.

PHOTO ADEM ALTAN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Recep Tayyip Erdogan

Mais les résultats de dimanche ont eu l’effet d’une douche froide. À l’issue du décompte des voix, le président Erdogan affiche une confortable avance de plus de 2,5 millions de voix sur son opposant, avec 49,5 % des suffrages exprimés contre 44,9 % pour M. Kiliçdaroglu.

Seule consolation : l’opposition est parvenue pour la première fois à contraindre le « Reis » à un ballottage.

« Nous l’emporterons »

« Je suis là ! Je me battrai jusqu’au bout, je le jure ! », a lancé M. Kiliçdaroglu lundi dans une vidéo, visage inhabituellement fermé, tapant à trois reprises sur son bureau avec la paume de sa main droite.

« Nous l’emporterons à coup sûr ! », a-t-il martelé mercredi dans une nouvelle vidéo le montrant debout, avec en décor un portrait de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la République turque, en habits de commandant.

« Nous ne laisserons pas ce pays à ceux qui considèrent les femmes comme des objets […] Nous ne laisserons pas ce pays à un faux leader mondial qui se plie devant la Russie », a-t-il asséné.  

« Nous n’abandonnerons pas ce pays à une mentalité qui a laissé entrer 10 millions de réfugiés », a-t-il par ailleurs déclaré dans un ton plus dur qu’à l’accoutumée, comme un appel du pied à l’électorat nationaliste.

Pour MM. Kiliçdaroglu et Erdogan, un des enjeux de l’entre-deux-tours sera en effet de séduire les 2,8 millions d’électeurs ayant voté pour le candidat ultranationaliste Sinan Ogan lors du premier tour.

Le troisième homme de la présidentielle devrait annoncer cette semaine s’il soutient l’un des deux finalistes.

Le président Erdogan a repris ses railleries à l’encontre de l’opposition, fustigeant « la comédie » jouée selon lui dimanche soir par le camp de son opposant, qui avait contesté les premiers résultats.

Pour « ne perdre pas même une voix des 49,5 % » recueillies dimanche, sa « priorité » comme il l’a déclaré mercredi, M. Erdogan prévoit un déplacement ce week-end dans la région du sud-est dévastée par le séisme du 6 février, qui a fait plus de 50 000 morts et des millions de déplacés.

Malgré la colère de certains des rescapés, qui ont accusé l’État d’avoir tardé à intervenir, le chef de l’État a conservé ses très hauts scores dans la région au premier tour.

M. Erdogan veut aussi s’adresser aux jeunes électeurs d’Istanbul et d’Ankara, les deux plus grandes villes du pays, où M. Kiliçdaroglu est arrivé de peu en tête au premier tour.

Mercredi, Recep Tayyip Erdogan a par ailleurs annoncé l’extension de l’accord sur le corridor céréalier via la mer Noire, crucial pour l’approvisionnement alimentaire mondial. Le président russe Vladimir « Poutine offre à Erdogan une nouvelle victoire diplomatique avant le second tour », a relevé sur Twitter Emre Peker, du centre de réflexion Eurasia group.