(Boutcha) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est engagé vendredi à vaincre le « Mal russe » et promis un « nouveau Nuremberg » à l’occasion du premier anniversaire du retrait russe de Boutcha, ville martyre devenue un symbole criant « des atrocités » imputées aux troupes de Moscou en treize mois d’offensive meurtrière.

De son côté, le président russe Vladimir Poutine a signé un décret validant une nouvelle doctrine de politique étrangère, qui selon son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov souligne « la nature existentielle des menaces » occidentales visant la Russie.

Les violations des droits humains sont devenues « scandaleusement routinières » en Ukraine, a dénoncé depuis Genève le Haut-Commissaire des droits de l’homme, Volker Türk.

Le président français Emmanuel Macron a été plus loin, accusant les dirigeants russes d’avoir « laissé faire, voire encouragé » les crimes de guerre qui ont été « systématisés » en Ukraine.

« Nous ne pardonnerons jamais »

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Volodymyr Zelensk a remis des médailles à des soldats ukrainiens lors de sa visite à Boutcha.

« Nous ne pardonnerons jamais », a juré Volodymyr Zelensky à Boutcha. « Il y aura un nouveau Nuremberg », a-t-il encore dit dans une vidéo publiée dans la soirée, en référence à la ville allemande qui accueillit en 1945-46 les procès des dirigeants nazis.

Le massacre de Boutcha n’était pas un cas isolé, mais « de la violence génocidaire systémique qui constitue le cœur des actions russes sur tous les territoires ukrainiens occupés », a accusé le président ukrainien.

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Des corps ont été découverts dans les rues de Boutcha après le départ de l’armée russe, le 2 avril 2022.

« Nous devons tout entreprendre pour faire de Boutcha un symbole de justice », a-t-il lancé. « Nous voulons que chaque meurtrier, chaque bourreau, chaque terroriste russe soit tenu pour responsable de chaque crime contre notre peuple », a-t-il ajouté, devant les premiers ministres croate Andrej Plenkovic, slovaque Eduard Heger, slovène Robert Golob, et la présidente moldave Maia Sandu.

« Nous allons gagner c’est certain, le Mal russe tombera, justement ici en Ukraine et ne pourra plus se relever », a-t-il martelé.

L’Ukraine évalue à plus de 1400 le nombre des civils morts dans le district de Boutcha pendant l’occupation russe, dont 37 enfants. Parmi eux, 637 ont été tués dans la ville-même.

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Volodymyr Zelensky s’est rendu à Boutcha le 4 avril 2022.

Le 31 mars 2022, l’armée russe se retirait de la région de Kyiv, un peu plus d’un mois après avoir lancé l’invasion du pays sur ordre du président Vladimir Poutine. Deux jours après le retrait, le massacre était connu.

Des journalistes de l’AFP ont découvert à Boutcha le 2 avril des carcasses calcinées de véhicules, des maisons détruites et surtout, éparpillés sur plusieurs centaines de mètres, les cadavres de vingt hommes en civil, dont l’un avait les mains liées dans le dos.

Ces scènes ont choqué dans le monde entier, Kyiv et les Occidentaux dénonçant des exécutions sommaires de civils. Le Kremlin dément toute implication et parle d’une mise en scène.

Moscou a « encouragé »

« L’agression russe a conduit à une systématisation des crimes de guerre contre l’Ukraine et contre sa population », a dit Emmanuel Macron dans un message vidéo diffusé à Boutcha. « Et loin de sanctionner ces crimes contraires à toutes les lois de la guerre, les dirigeants russes ont laissé faire, voire les ont encouragés, au mépris du droit international et avec pour objectif clair de soumettre la nation ukrainienne par la violence », a-t-il ajouté.

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Un an après la libération de Boutcha, Kyiv estime à « plus de 1400 » le nombre de civils morts dans le district de Boutcha pendant l’occupation russe dont 637 dans la ville même.

Lors de sa visite sur place deux jours après la découverte, le président Zelensky, visiblement bouleversé, avait dénoncé « des crimes de guerre » qui seront « reconnus par le monde comme un génocide ».

Des journalistes de l’AFP ont constaté jeudi des travaux de reconstruction dans cette cité qui comptait 37 000 habitants avant la guerre.

Plusieurs dizaines d’ouvriers s’affairaient au milieu de pelleteuses, de tractopelles et de camions-benne, pour reconstruire les maisons et refaire la chaussée.

Il faut « continuer à vivre » malgré le traumatisme, ont confié des habitants à l’AFP.

« Il faut non seulement gagner, vaincre les occupants […] Il faut que les criminels soient condamnés, que le mal soit puni », a dit l’archiprêtre Andriï, qui gère la paroisse orthodoxe locale.

Les forces russes ont été accusées de multiples exactions par les autorités ukrainiennes après la découverte de centaines de corps à Boutcha et dans d’autres villes, de tombes près d’Izioum (est) ou de « salles de torture » dans des villes reprises, selon Kyiv.

La Cour pénale internationale a émis en mars un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine pour la « déportation » de milliers d’enfants ukrainiens vers la Russie.

« Une guerre totale »

Le président russe, qui n’a pas réagi à ces accusations, a adopté vendredi une nouvelle doctrine diplomatique qui, selon son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, prend acte de la « nature existentielle des menaces » occidentales.

« Les dispositions de la doctrine prévoient de réprimer systématiquement et, si nécessaire sévèrement, les mesures antirusses des pays inamicaux », a souligné M. Lavrov.  

Dans l’immédiat, c’est un journaliste américain du Wall Street Journal que le FSB russe a annoncé jeudi avoir arrêté dans l’Oural, l’accusant d’espionnage. Ce cas sans précédent dans l’histoire récente du pays, dans un contexte de répression croissante et de confrontation de plus en plus frontale avec les Occidentaux, a suscité nombre de protestations et la « préoccupation » des États-Unis qui ont appelé leurs citoyens à quitter la Russie.  

La Biélorussie, pays voisin de l’Ukraine où Vladimir Poutine vient d’annoncer s’apprêter à installer des missiles nucléaires tactiques, a lui aussi fait monter encore la tension en proposant vendredi d’accueillir en outre des armes nucléaires stratégiques russes.

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Le président biélorusse Alexandre Loukachenko et son allié Vladimir Poutine

« À cause des États-Unis et de leurs satellites, une guerre totale a été déclenchée », a affirmé le président biélorusse Alexandre Loukachenko.

Sur le front, les combats font toujours rage avant tout à l’Est, autour de Bakhmout, que les Russes tentent de prendre depuis des mois au prix de pertes colossales. La présidence ukrainienne a indiqué que des bombardements russes sur la ville d’Avdiivka, dans la même zone, avaient fait deux morts dont un nourrisson vendredi.

Kyiv a admis jeudi ne contrôler plus qu’un tiers de Bakhmout, mais espère que les dommages infligés aux forces de Moscou affaibliront les lignes russes lorsque l’armée ukrainienne lancera la contre-offensive qu’elle prépare, dans l’attente de nouvelles armes occidentales.