Changement de garde en Écosse. Au terme d’une campagne particulièrement âpre, Humza Yousaf a été choisi lundi par les indépendantistes pour succéder à Nicola Sturgeon à la tête du parti national écossais (SNP), devenant de facto le nouveau premier ministre de cette région constituante du Royaume-Uni.

Dans son discours de victoire, M. Yousaf, 37 ans, a promis de poursuivre le combat pour l’indépendance de l’Écosse, précisant que le « peuple » écossais en avait besoin « dès maintenant, plus que jamais » et que cette « génération » finirait par l’obtenir.

Ministre de la Santé depuis 2021, M. Yousaf est le premier musulman à diriger un parti politique important au Royaume-Uni.

Aucun candidat n’ayant recueilli plus de 50 % des suffrages au premier tour, il s’est imposé au deuxième décompte, recueillant 52 % des voix, contre la ministre des Finances Kate Forbes (48 %), aux positions conservatrices controversées.

Plus de 50 000 membres du SNP ont participé à ce scrutin déclenché le mois dernier par la démission surprise de Nicola Sturgeon, qui dirigeait l’Écosse d’une main de fer depuis huit ans.

En choisissant Humza Yousaf, la formation fait le choix de la continuité, puisque ce proche de Mme Sturgeon, adoubé par la plupart des ténors du parti, a promis de poursuivre la politique progressiste de sa prédécesseure.

« Cela nous dit qu’il n’y aura pas énormément de changement dans le SNP. Humza Yousaf n’est pas un communicateur et un débatteur aussi chevronné que Nicola Sturgeon. Mais pour le reste, ce sera simplement plus de la même chose », résume James Mitchell, professeur de sciences politiques à l’Université d’Édimbourg.

Un parti divisé

Humza Yousaf hérite en revanche d’un parti divisé, dont les tiraillements, jusqu’ici peu perceptibles pour le grand public, ont été étalés au grand jour dans cette course à la succession.

Pendant les six semaines de campagne, la formation a été ébranlée par des démissions en série, des divergences idéologiques et même des différences sur la façon d’accéder à l’indépendance. Que Kate Forbes, fervente chrétienne, antiavortement et contre le mariage pour tous, ait obtenu près de la moitié des voix parmi les militants trahit notamment la présence d’un fort courant réactionnaire au sein du SNP, ce qui tranche avec l’image progressiste que le parti cherche à se donner depuis une décennie.

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La candidate défaite à la chefferie du SNP, Kate Forbes, connue pour ses positions très conservatrices, s’est adressée aux journalistes, lundi après l’annonce des résultats.

« Je couvre la politique écossaise depuis longtemps, et je dois dire que je n’ai jamais rien vu d’aussi amer que cette course à la succession », lance James Mitchell.

Pour l’expert, ces déchirements seraient toutefois plus imputables au « plafonnement » du mouvement indépendantiste qu’à des visions politiques opposées. « Je crois qu’il y a beaucoup de frustration dans le fait que le SNP n’a pas progressé vers l’indépendance, dit-il. Le mouvement semble bloqué et de plus en plus sur la défensive. »

Groggy après la défaite du Oui au référendum de 2014, le mouvement nationaliste écossais a connu un regain dans les années suivant le Brexit. Mais dans un sondage YouGov du 13 mars, 46 % des sondés se sont prononcés pour l’indépendance, contre 50 % le mois dernier. Un chiffre qui chute à 39 % si on inclut les indécis.

Dans ce contexte, le mandat d’Humza Yousaf à la tête du SNP s’annonce difficile. Il doit non seulement unifier le parti, mais aussi lui donner un nouveau souffle, alors que son bilan est de plus en plus contesté, après 16 longues années au pouvoir. Si la tendance se maintient, la formation pourrait perdre quelques sièges aux prochaines élections (prévues début 2025), notamment au profit du Labour, qui semble vouloir revenir dans le jeu après quelques années de disgrâce en Écosse.

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Le nouveau chef du SNP, Humza Yousaf, lors de son discours victorieux. M. Yousaf hérite d’un parti au bilan contesté après 16 ans au pouvoir, alors même que les appuis à l’indépendance plafonnent.

Le début de la fin pour le rêve indépendantiste ? C’est une idée qui commence à circuler. Mais DJ Johnston Smith, militant et ancien candidat du SNP à Édimbourg, pense tout le contraire. « Ce n’est pas une seule personne qui tient ce parti ensemble. Nicola était une fraction de l’équation. Humza est une autre fraction de l’équation. Je pense que le désir d’indépendance va grandir dans les rues et dans les communautés, indépendamment de ce qu’il fera comme chef du parti et du gouvernement. »

Une réussite

Né à Glasgow, Humza Yousaf est député du SNP depuis 2011. Son parcours n’est pas sans faute. Il a été critiqué comme ministre de la Santé, au sujet du temps d’attente aux urgences.

Mais pour James Mitchell, il faut surtout souligner la réussite de ce fils d’immigrants pakistanais, qui devient le tout premier musulman à diriger une région du Royaume-Uni.

« C’est extrêmement significatif, considérant que jusqu’à tout récemment, l’Écosse n’était pas reconnue comme une nation multiculturelle, multiethnique et multiconfessionnelle. Symboliquement parlant, c’est le plus important dans toute cette histoire… »

Avec l’Agence France-Presse

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  • 5,5 millions
    Population de l’Écosse