(Kyiv) L’Ukraine a réclamé dimanche une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU pour contrer le « chantage nucléaire » de la Russie, après l’annonce par Vladimir Poutine que Moscou allait déployer des armes nucléaires en Biélorussie.

L’Union européenne a menacé Minsk de nouvelles sanctions si ce déploiement était réalisé, tandis que les États-Unis ont indiqué n’avoir « aucune indication » que Moscou entendait utiliser des armes nucléaires en Ukraine.

La Biélorussie, un allié de Moscou, est frontalier de l’Ukraine, de la Pologne et de la Lituanie.

« L’Ukraine attend des actions efficaces pour contrer le chantage nucléaire du Kremlin de la part du Royaume-Uni, de la Chine, des États-Unis et de la France » en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, a indiqué le ministère ukrainien des Affaires étrangères dans un communiqué.

« Nous demandons qu’une réunion extraordinaire du Conseil de sécurité des Nations unies soit immédiatement convoquée à cette fin », a-t-il ajouté, appelant aussi le G7 et l’UE à faire pression sur la Biélorussie en le menaçant de « conséquences considérables » s’il venait à accepter le déploiement russe.

Premier pays occidental à réagir à l’annonce de Vladimir Poutine, l’Allemagne a dénoncé une « nouvelle tentative d’intimidation nucléaire » de la part de Moscou.

« Nous n’allons pas nous laisser dévier de notre cap » par ces menaces, a indiqué à l’AFP un responsable du ministère allemand des Affaires étrangères sous couvert d’anonymat.

L’OTAN a fustigé une « rhétorique nucléaire dangereuse et irresponsable », affirmant « suivre la situation de près ». Et le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a dénoncé une « escalade irresponsable et une menace pour la sécurité européenne », prévenant que l’UE était « prête » à adopter de nouvelles sanctions contre Minsk.

Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain John Kirby a affirmé que rien à ce stade n’amenait les États-Unis « à changer (leur) positionnement en matière de dissuasion stratégique ».

« Faire peur »

Plus tôt dimanche, le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien Oleksiï Danilov avait estimé que « le Kremlin a(vait) pris la Biélorussie comme otage nucléaire » et que l’intention russe représentait un « pas vers la déstabilisation interne du pays », dirigé depuis 1994 par Alexandre Loukachenko.

Vladimir Poutine a annoncé samedi que la Russie allait déployer des armes nucléaires « tactiques » en Biélorussie et que dix avions avaient déjà été équipés pour être prêts à utiliser ce genre d’armement.

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Sur cette photo tirée d’une vidéo publiée par le service de presse du ministère russe de la Défense en décembre 2022, des soldats russes participent à des exercices dans un lieu non spécifié en Biélorussie.

« Il n’y a rien d’inhabituel ici : les États-Unis font cela depuis des décennies. Ils déploient depuis longtemps leurs armes nucléaires tactiques sur le territoire de leurs alliés », a déclaré M. Poutine lors d’une entrevue à la télévision russe.

« Nous avons convenu de faire de même », a-t-il ajouté, disant prévoir de « former les équipages » à partir du 3 avril et de « terminer la construction d’un entrepôt spécial pour les armes nucléaires tactiques sur le territoire de la Biélorussie » le 1er juillet.

Les États-Unis stockent des armes à composante nucléaire dans des bases en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Turquie. Les armes nucléaires « tactiques » ont une puissance moindre par rapport à celles dites « stratégiques », mais leurs effets restent mortels et imprévisibles.

M. Poutine « admet qu’il a peur de perdre (la guerre) et que tout ce qu’il peut faire, c’est de faire peur », a tweeté dimanche Mykhaïlo Podoliak, un conseiller présidentiel ukrainien. Il a également accusé le dirigeant russe de « violer le traité de non-prolifération nucléaire ».

M. Poutine a assuré que ce déploiement en Biélorussie se ferait « sans contrevenir à nos accords internationaux sur la non-prolifération nucléaire ».

Si la Biélorussie ne prend pas part directement au conflit en Ukraine, Moscou s’est servi de son territoire pour conduire son offensive sur Kyiv en 2022 ou pour mener des frappes, selon les autorités ukrainiennes.

Obus à l’uranium

Vladimir Poutine a motivé sa décision samedi par la volonté du Royaume-Uni d’envoyer des munitions à uranium appauvri à l’Ukraine, comme évoqué récemment par une responsable britannique.

M. Poutine a menacé de recourir également à ce type d’obus, utilisé pour percer les blindages, si Kyiv venait à en recevoir. Il a qualifié ce type d’obus d’arme parmi « les plus dangereuses » et qui « génère ce que l’on appelle des poussières de radiation ».

Plusieurs responsables russes, dont l’ancien président Dmitri Medvedev, ont toutefois menacé l’Ukraine et les Occidentaux de l’arme nucléaire depuis le début de l’offensive russe lancée le 24 février 2022.

La doctrine nucléaire russe ne prévoit pas l’utilisation préventive par la Russie de l’arme nucléaire, mais seulement en réponse à une attaque contre elle ou ses alliés, ou en cas de « menace sur l’existence même de l’État ».