La Chine et la Russie, qui avaient conclu avant l’invasion de l’Ukraine un accord soulignant leur « amitié sans limites », ont entamé lundi un sommet bilatéral de trois jours devant permettre de réaffirmer publiquement leur proximité idéologique et économique.

Le président chinois, Xi Jinping, a échangé pendant plus de quatre heures avec son homologue russe, Vladimir Poutine, lors d’un tête-à-tête « informel » qui sera suivi ce mardi par des discussions officielles visant à « approfondir » la coopération entre les deux pays.

La venue du dirigeant chinois survient quelques jours après que la Cour pénale internationale a lancé un mandat d’arrêt contre son homologue pour son rôle allégué dans le transfert forcé de milliers d’enfants ukrainiens vers le territoire russe.

Maria Popova, politologue à l’Université McGill, note que le président russe espère profiter du sommet en cours pour montrer qu’il n’est pas « totalement isolé » sur la scène internationale et obtenir le soutien militaire de Pékin.

La Chine veut s’assurer de son côté que la Russie a les moyens de poursuivre son offensive en Ukraine tout en évitant d’avoir l’air de cautionner l’intervention, note la chercheuse.

« Le but est de soutenir le régime russe, mais pas trop ouvertement. C’est une question d’équilibre », relève Mme Popova, qui fait peu de cas de la volonté déclarée de Pékin de jouer le rôle de médiateur dans le conflit ukrainien.

Le régime chinois a présenté il y a quelques semaines un plan de paix en 12 points qui a été mal reçu par les pays occidentaux soutenant Kyiv, les États-Unis en tête.

Il préconise notamment l’adoption d’un cessez-le-feu et la levée des sanctions économiques unilatérales, deux mesures faisant le jeu de Moscou, note Mme Popova.

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Xi Jinping et Vladimir Poutine

Une question d’intégrité territoriale

Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine, pense que Pékin est un « médiateur très intéressé » qui veut d’abord et avant tout s’assurer que le régime russe ne sera pas défait en Ukraine.

L’annonce d’un cessez-le-feu unilatéral par Moscou avec l’appui de Pékin pourrait faire monter, dit-il, la pression sur Kyiv, qui refuse d’envisager des pourparlers de paix tant que des troupes russes demeurent présentes sur son territoire.

Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a prévenu lundi que le « monde ne devait pas être dupe » face à tout effort de Moscou et de Pékin pour « geler le conflit » sans égard à la préservation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

M. Saint-Jacques note que le plan défendu par Pékin évoque la nécessité de respecter la souveraineté des pays, mais rejette le blâme pour la crise en Ukraine sur l’OTAN en faisant écho aux prétentions du Kremlin.

Yann Breault, spécialiste de la Russie rattaché au Collège militaire royal de Saint-Jean, note que les deux pays se rejoignent dans leur opposition aux États-Unis et veulent agir de concert pour assurer l’émergence d’un monde multipolaire.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, Pékin a considérablement haussé, dit-il, ses achats de pétrole et de gaz russes, amplifiant la dépendance de Moscou à son égard tout en lui permettant de pallier les sanctions mises en place par les pays occidentaux.

Le régime de Xi Jinping a cependant refusé jusqu’à maintenant de fournir officiellement des armes à la Russie, qui en réclame avec insistance.

Pas formellement exclu

Michael Allen, professeur de science politique rattaché à la Boise State University, dans l’Idaho, note que le régime chinois n’a pas exclu formellement cette possibilité et pourrait être tenté de procéder s’il a l’impression que « Moscou n’a plus la capacité de poursuivre la guerre en Ukraine ou risque de la perdre ».

Pékin, dit M. Allen, voit d’un œil favorable le fait que les États-Unis soient contraints d’engager des ressources militaires considérables pour soutenir Kyiv et doivent limiter du même coup leur appui à Taiwan, que la Chine espère éventuellement réintégrer dans son giron.

Les États-Unis ont sonné l’alarme il y a quelques semaines relativement à la possibilité que le gouvernement chinois envoie des armes à la Russie, suscitant des démentis de Pékin, qui insiste publiquement sur la nécessité d’en arriver à un règlement négocié de la crise ukrainienne.

Selon le Wall Street Journal, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pourrait avoir un échange téléphonique avec Xi Jinping à la suite du sommet en cours.

Kyiv espère que le régime chinois utilisera son influence pour convaincre Moscou de retirer ses troupes, mais rien n’indique que le Kremlin envisage un tel scénario, note Mme Popova.

« La Russie n’a pas réévalué ses objectifs. Elle ne montre aucune volonté d’en finir avec la guerre », dit-elle.