Le SNP cherche activement son nouveau chef, après la démission surprise de Nicola Sturgeon en février.

Situez-moi un peu : SNP, c’est pour « syndrome neurologique précaire » ?

Mais non. Vous n’y êtes pas du tout. On parle ici du Scottish National Party (Parti national écossais) au pouvoir en Écosse depuis 2007. La formation politique est en plein désarroi depuis que sa cheffe – et par conséquent la première ministre – a annoncé sa démission le 15 février dernier.

Désarroi, mais pourquoi ?

Parce que personne ne l’avait vue venir. Et parce que Nicola Sturgeon dirige cette nation britannique avec brio depuis l’après-référendum de 2014, perdu par le camp du Oui. C’était un adversaire redoutable pour Londres et sa popularité en Écosse était relativement intacte après huit années au pouvoir – un record.

PHOTO JANE BARLOW, ARCHIVES REUTERS

Nicola Sturgeon a annoncé sa démission le 15 février dernier.

Pourquoi quitter ses fonctions, alors ?

Grosse fatigue. Ses nombreux bras de fer avec le gouvernement britannique ont fini par l’épuiser. Son récent projet de loi visant à faciliter le changement d’identité de genre en Écosse a été vivement critiqué, y compris à l’interne. La principale intéressée a déclaré qu’elle n’avait plus « toute l’énergie » nécessaire pour continuer le combat et dénoncé la « brutalité » de la vie politique moderne.

Et il se passe quoi maintenant ? L’Écosse n’a plus de premier ministre ?

Justement. Le SNP est actuellement en pleine course au leadership. La personne qui succédera à Mme Stugeon doit être choisie le 27 mars par les membres du parti, soit de 75 000 à 90 000 personnes, selon les estimations.

Une course au leadership ! Ça on aime ! Qui est candidat ?

Ils sont trois. Kate Forbes. Ash Regan. Humza Yousaf. Tous indépendantistes. Mais des profils très différents.

Profil gauche ou profil droit ?

La bonne blague… mais pas bête. Kate Forbes est clairement plus à droite. Son jeune âge (32 ans) ne l’empêche pas d’être très conservatrice, en raison de son appartenance à l’Église libre d’Écosse, qui interprète rigoureusement la Bible. Cette chrétienne fervente se dit contre le mariage entre personnes de même sexe et considère que les enfants nés hors mariage sont une erreur. Elle ne soutient évidemment pas la réforme sur le changement d’identité de genre de Nicola Sturgeon, dont elle a par ailleurs été la ministre des Finances.

Et Ash Regan ?

Même penchant conservateur. À 48 ans, cette ancienne ministre de la Sécurité communautaire a claqué la porte du gouvernement en octobre pour protester contre la réforme sur le changement d’identité de genre. Côté souveraineté, elle fait partie des « impatients », contrairement à ses deux adversaires, plus « étapistes ». Elle propose que les prochaines élections régionales tiennent lieu de référendum et que l’Écosse déclare unilatéralement son indépendance en cas de victoire du SNP.

Et que dire d’Humza Yousaf ?

Trente-sept ans. Actuel ministre de la Santé. Musulman. Contrairement à ses deux adversaires, Humza Yousaf se réclame plus du centre gauche du SNP et défend bec et ongles la réforme controversée sur l’identité de genre. À ce titre, on le présente comme le successeur naturel de Nicola Sturgeon. Il est soutenu par plusieurs caciques du parti, dont les ministres du Développement international, des Transports et de la Santé publique.

Il est donc le favori ?

Pas nécessairement. M. Yousaf a des appuis solides dans le parti. Mais Mme Forbes semble la plus populaire chez les électeurs indépendantistes et auprès de l’ensemble des Écossais. Selon un sondage publié dimanche dernier, 33 % des Écossais la soutiennent, contre 18 % des appuis pour Humza Yousaf et 10 % pour Ash Regan. Les membres du SNP, seuls habilités à voter, devront tenir compte de ces données.

« La question à 64 millions, pour le SNP et le mouvement, est de savoir quel candidat peut tenir à la fois le parti et la cause », souligne DJ Johnston-Smith, ancien candidat du SNP, joint à Édimbourg.

Bref, le SNP est à la croisée des chemins…

Crise existentielle, disons. La cause indépendantiste (sa raison d’être depuis sa fondation en 1934) a été relancée par le Brexit, auquel se sont opposés 62 % des Écossais en 2016. Nicola Sturgeon avait l’ambition d’organiser un second référendum. Mais son départ laisse un grand vide, alors que les appuis à la souveraineté plafonnent autour de 40 % (sondage YouGov). Peu importe ses qualités, la personne qui succédera à Mme Sturgeon « aura de grands souliers à chausser », estime DJ Johnston-Smith.

Mais pour Iain Whyte, membre actif du SNP qui incarne une nouvelle génération de souverainistes, il faut plutôt voir cette course au leadership comme l’occasion de « réinitialiser » et de « redynamiser » une formation déstabilisée.

« Pour moi, il n’y a ni crise ni panique, conclut M. Whyte, 28 ans. La question n’est pas de savoir si l’indépendance aura lieu un jour, mais plutôt quand elle aura lieu. Certains veulent y arriver plus vite que d’autres. Mais c’est inévitable. Mme Sturgeon a fait ce qu’elle devait faire. Le mouvement n’est pas défini par un seul individu… »