(Larissa) La colère ne faiblit pas en Grèce où un vaste rassemblement est prévu dimanche matin à Athènes à la mémoire des 57 personnes tuées dans la catastrophe ferroviaire cette semaine près de Larissa, où le chef de gare mis en cause s’apprête à être entendu par la justice.

Des étudiants, des employés des chemins de fer et du secteur public se sont donnés rendez-vous dimanche à 11 h (4 h, heure de l’Est), sur la place Syntagma, en face du Parlement, pour manifester. De leur côté, les familles des victimes ont prévu de se recueillir près du lieu du drame cinq jours après la catastrophe, à la gare de Tempé.

Dimanche, se tient également l’audition du chef de gare, âgé de 59 ans, mis en cause pour avoir commis une erreur fatale qui a conduit à l’accident mardi soir, après avoir été reportée samedi par la justice grecque.

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L’avocat Stefanos Pantzartzidis, qui représente le chef de gare, a répondu aux questions des journalistes, samedi à Larissa.

Le juge d’instruction de Larissa, ville la plus proche du lieu du drame, devra décider à l’issue de cette audition s’il l’inculpe d’« homicide involontaire par négligence ».

La colère qui gronde depuis cette catastrophe ne redescend pas, des centaines de manifestants se sont rassemblés dans le calme à Athènes et Thessalonique samedi en fin de journée à l’appel des jeunesses communistes.  

L’homme, dont l’identité n’a pas été révélée, n’avait reçu qu’une formation de 40 jours pour devenir chef de gare.

Selon une source judiciaire, l’enquête vise aussi « à engager des poursuites pénales, si nécessaires, contre des membres de la direction de l’entreprise » Hellenic Train, les chemins de fer grecs.  

C’est le troisième accident ferroviaire le plus meurtrier en Europe ces vingt-cinq dernières années, après le déraillement d’un train en Allemagne en 1991 qui a fait 101 morts, et l’accident ferroviaire de 2013 en Espagne dans lequel 80 personnes ont été tuées.

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Des proches se réconfortent lors des funérailles d’Ifigenia Mitska, une des victimes de la tragédie ferroviaire, samedi à Giannitsa, dans le nord du pays.

Seul et inexpérimenté

Selon le quotidien Kathimerini, la justice cherche à comprendre comment un chef de gare inexpérimenté s’est retrouvé, seul, sans personne pour le superviser, à la gare de Larissa pendant quatre jours alors que le trafic ferroviaire sur cette ligne était intense en raison d’un long week-end lié à un jour férié orthodoxe.

Une perquisition a été menée vendredi dans la gare de Larissa.

Le gouvernement a également décidé de charger un comité d’experts d’enquêter sur les causes de l’accident.  

Depuis le lendemain de la catastrophe, les Grecs sont descendus dans les rues pour manifester leur colère, accusant les autorités d’incurie et pointant du doigt la vétusté des infrastructures ferroviaires.  

Les inhumations de victimes ont par ailleurs débuté dans une immense émotion.

Ce drame a bouleversé la Grèce notamment parce que les victimes étaient pour beaucoup de jeunes étudiants rentrant d’un week-end prolongé à Thessalonique, la grande ville universitaire du nord.  

Les poussées de colère ont aussi entraîné des heurts à Athènes et à Thessalonique. Vendredi soir, la police a fait usage de grenades lacrymogènes et assourdissantes dans ces deux villes.  

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Manifestation devant le parlement grec, vendredi soir à Athènes

« Assassins ! »

La colère est avant tout dirigée contre Hellenic Train. Le mot « Assassins » a été peint en lettres rouges sur la vitre du siège à Athènes devant lequel s’étaient massées vendredi plus de 5000 personnes en colère et réclamant des comptes.

L’entreprise est mise en cause pour de nombreuses négligences et lacunes ayant entraîné cette catastrophe qualifiée de « tragédie nationale » par les autorités.

Elle s’est défendue samedi soir, soulignant avoir « été présente dès les premiers instants sur les lieux » et mis en place « un centre d’appel […] pour fournir des informations ».

L’entreprise a également assuré ne gérer que le transport des passagers et du fret, tandis que la compagnie publique grecque des chemins de fer (OSE) est chargée du réseau, et donc de sa maintenance et de sa modernisation.

Les représentants syndicaux de la compagnie Hellenic Train avaient tiré la sonnette d’alarme il y a trois semaines, avertissant : « Nous n’allons pas attendre l’accident qui arrivera pour voir les responsables verser des larmes de crocodile ».  

Les jeunes Grecs réclament la vérité malgré le mea culpa du gouvernement sur les défaillances « chroniques » du réseau ferroviaire qui ont conduit à l’accident.

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« Nous sommes remplis de rage et ne pouvons accepter qu’un évènement aussi tragique puisse se produire en 2023 », a souligné le président d’un syndicat étudiant, Angelos Thomopoulos.

Les trains n’ont pas circulé jeudi et vendredi après un appel à la grève des syndicats de cheminots. L’appel a été reconduit vendredi pour 48 heures de plus. Le métro athénien a également prévu de débrayer une nouvelle fois dimanche après une première grève jeudi.