(Kyiv) Les États-Unis ont annoncé vendredi une nouvelle aide militaire de plus de 2 milliards de dollars à l’Ukraine, incluant des bombes tirées depuis le sol qui pourraient quasiment doubler la portée de la force de frappe ukrainienne contre les Russes.

Il s’agit des « GLSDB », des bombes de petit diamètre fabriquées par Boeing et Saab, pouvant voler jusqu’à 150 km et donc menacer des positions russes derrière les lignes de front.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a remercié son homologue américain Joe Biden après l’annonce.

« Plus nos armes sont de longue portée et plus nos troupes sont mobiles, le plus tôt se terminera la brutale agression de la Russie », a-t-il tweeté.

Les « GLSDB » donneront aux Ukrainiens « une capacité de plus longue portée […] qui leur permettra de mener des opérations de défense de leur territoire et de reprendre leur territoire souverain », a précisé à la presse le porte-parole du Pentagone, Pat Ryder.

L’Ukraine demande aux États-Unis des munitions pouvant aller plus loin que les roquettes Himars (80 km).

Ces GLSDB peuvent donner aux forces ukrainiennes la capacité de frapper des positions dans le Donbass, les régions de Kherson et Zaporijjia, et le nord de la Crimée.

Cela pourrait notamment menacer les dépôts d’armes russes.

Selon Saab, ces armes pourraient atteindre une cible sous n’importe quel angle à un mètre près.

« La précision des GLSDB est si élevée qu’elles peuvent frapper dans le rayon d’un pneu de voiture », affirme Saab sur son site.

À quand la livraison ?

En décembre, John Hardie et Bradley Bowman, du centre de réflexion Fondation pour la défense des démocraties, avaient écrit que les GLSDB pouvaient être tirées à partir de plusieurs types de lanceurs, y compris les Himars et les M270 MLRS déjà utilisés en Ukraine.

« Mais elles peuvent aussi être tirées par des lanceurs non traditionnels, comme de l’arrière d’un camion ou d’un conteneur quelconque, cachés au vu de tous », avaient-ils ajouté.

« Il serait donc plus difficile pour les forces russes de trouver et de détruire le système. »

Mais ils avaient dit que les premières livraisons à l’Ukraine pourraient prendre jusqu’à neuf mois.

Interrogé à ce sujet, le Pentagone n’avait pas répondu dans l’immédiat.

Un porte-parole de Boeing a dit que le groupe ne donnerait pas de détails sur les délais de livraison.

Cette assistance sécuritaire américaine de presque 2,2 milliards de dollars inclut également « des capacités cruciales de défense aérienne pour aider l’Ukraine à défendre sa population », « des véhicules d’infanterie blindés » et des munitions pour le système Himars de lance-roquettes, a indiqué le département de la Défense.

Depuis le début de l’invasion russe fin février 2022, les autorités américaines ont alloué plus de 29,3 milliards en assistance sécuritaire à l’Ukraine, selon le Pentagone.

« Les États-Unis continueront à travailler avec leurs alliés et partenaires pour fournir à l’Ukraine les capacités de répondre à ses besoins immédiats sur le champ de bataille et ceux sur le plus long terme en matière d’assistance sécuritaire », assure un communiqué du département.

Des fonds saisis à un oligarque russe permettront d’aider l’Ukraine

Le département américain de la Justice a annoncé vendredi le premier transfert de fonds russes confisqués, dans le but d’aider l’Ukraine, selon la chaîne CNN.

« J’annonce aujourd’hui avoir autorisé le tout premier transfert de fonds russes saisis, destinés à l’Ukraine », a déclaré Merrick Garland, précisant que les actifs confisqués faisaient suite à l’inculpation de l’oligarque Konstantin Malofeïev en avril.

Cette somme ira au département d’État « pour soutenir le peuple ukrainien », a affirmé le secrétaire.

Le procureur général ukrainien Andriï Kostine, présent à ses côtés, s’est félicité de ce transfert « d’un montant de 5,4 millions de dollars » pour « reconstruire l’Ukraine ».

« Tous les Ukrainiens ont, d’une façon ou d’une autre, souffert de cette guerre. Nous devons nous assurer que le peuple ukrainien reçoive une compensation pour les énormes dommages subis », a-t-il écrit sur Twitter.

Le milliardaire russe Konstantin Malofeïev est considéré comme l’une des principales sources de financement des séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine.

Il avait été inculpé pour avoir « tenté d’échapper aux sanctions en utilisant des complices pour acquérir et diriger en cachette des médias à travers l’Europe », selon Washington.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, les États-Unis ont annoncé de nombreuses salves de sanctions contre des entreprises ou des citoyens russes.

Les sanctions américaines visent notamment à geler les avoirs éventuels de ces personnes aux États-Unis et interdisent toutes les interactions entre elles avec des banques américaines.

Bombardements russes

Des journalistes de l’AFP ont constaté vendredi la violence des affrontements qui ont réduit en champ de ruines certains quartiers en périphérie de Bakhmout, avec les incessantes percussions sourdes de l’artillerie et des échanges de tirs nourris à l’arme légère.

De la fumée s’élevait du centre-ville tandis que des hélicoptères militaires ukrainiens survolaient des plaines gelées en rase-mottes pour éviter d’être repérés et abattus.

Selon les autorités, cette ville compte aujourd’hui environ 6500 habitants contre environ 70 000 avant la guerre.  

Jeudi, une personne a été tuée et sept ont été blessées dans une attaque contre un véhicule transportant des secouristes volontaires.

Oleksandre Tkatchenko, 65 ans, a dit s’être précipité avec d’autres voisins pour extirper une femme de la carcasse du véhicule. Ce n’était « clairement » pas une cible militaire, car la voiture « était rouge », a-t-il dénoncé.

Les bombardements se sont également poursuivis à Kherson, une grande ville du Sud prise puis abandonnée par les Russes, où une personne a été tuée et une autre blessée vendredi, d’après les autorités.

« Efforts considérables »

À Kyiv, où les sirènes d’alerte antiaérienne ont retenti à deux reprises dans la journée, le président du Conseil européen Charles Michel, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et d’autres hauts représentants de l’UE se sont réunis avec M. Zelensky.

Ce dernier a affirmé que son pays ne perdrait pas « un seul jour » pour avancer vers l’entrée dans l’Union européenne et a jugé « possible » d’engager les discussions à ce sujet dès cette année.

Les dirigeants européens ont salué dans un communiqué les « efforts considérables » fournis par l’Ukraine malgré la guerre, soulignant « les progrès » dans la création d’institutions « indépendantes et efficaces » chargées de lutter contre la corruption qui ronge ce pays.

« Nous avons répété que la mise en place de réformes judiciaires profondes et cohérentes […] restait essentielle » afin de permettre au processus d’intégration d’avancer, ont-ils néanmoins noté, sans évoquer de calendrier précis.

« L’Ukraine c’est l’UE, l’UE c’est l’Ukraine », a lancé Charles Michel à l’issue du sommet.

Ce pays est officiellement candidat à l’adhésion à l’Union européenne depuis juin 2022, un processus ardu requérant de nombreuses réformes qui pourrait durer des années.

Produits pétroliers

Ursula von der Leyen a assuré travailler à de nouvelles sanctions contre la Russie pour le 24 février, date du premier anniversaire de l’invasion, jugeant qu’elle devrait « payer pour les destructions qu’elle a causées ».

Elle a estimé que les mesures punitives prises depuis un an avaient déjà fait reculer l’économie russe d’« une génération », notant que le plafonnement du prix du pétrole russe exporté à 60 dollars le baril coûtait à Moscou 160 millions d’euros par jour.

S’y superposera un plafonnement du prix des produits pétroliers raffinés, que les ambassadeurs des États membres de l’UE ont approuvé vendredi, avant une adoption définitive par le Conseil européen.  

Un embargo européen sur ces mêmes produits pétroliers envoyés à l’étranger par voie maritime doit d’ores et déjà entrer en vigueur dimanche, le Kremlin ayant quant à lui fustigé vendredi une mesure « négative » qui va « déséquilibrer davantage » les marchés.

Dans leur déclaration commune après le sommet, les dirigeants européens ont également dit vouloir « intensifier » leurs efforts « en vue d’utiliser des avoirs gelés de la Russie pour soutenir la reconstruction de l’Ukraine et à des fins de réparation, conformément au droit européen et au droit international ».