(Moscou) La justice russe a déclaré jeudi « indésirable » le média indépendant Meduza en Russie, entrouvrant la voie à des poursuites pénales contre ses journalistes, un nouvel épisode de la répression qui vise la société civile dans le pays.

Meduza.io, journal en ligne en langue russe basé en Lettonie pour échapper à la censure, a été lancé en mars 2014. Depuis près d’un an, il consacre la plus grande partie de ses articles à l’opération militaire russe en Ukraine et à la répression accrue envers la société civile russe.

Le Parquet a expliqué jeudi dans un communiqué avoir « établi que son activité représente une menace pour les fondements de l’ordre constitutionnel et de la sécurité de la Russie ».

En avril 2021, le ministère russe de la Justice avait déjà classé Meduza « agent de l’étranger », un sigle infamant qui complique son travail.

La décision annoncée jeudi interdit, elle, de facto l’existence du média en Russie.

« Des poursuites pénales peuvent viser les responsables et journalistes de Meduza, ceux qui ne font que distribuer nos articles, par exemple, en postant un lien vers l’article sur leur page Facebook, ceux qui tentent de nous transférer de l’argent depuis la Russie et ceux qui nous accordent des interviews et commentaires », a indiqué le média dans un communiqué.

Selon Meduza, le journal a encore une audience de « plusieurs millions de personnes en Russie », malgré les tentatives de blocage de leur site internet par les autorités.

« Nous avons peur pour nos lecteurs. Nous avons peur pour ceux qui ont coopéré avec Meduza au fil des ans. Nous avons peur pour nos proches et nos amis. Mais nous croyons en ce que nous faisons », a poursuivi la rédaction.

« Nous croyons en une Russie démocratique. Plus la pression est forte, plus nous y résistons », indique encore Meduza, ajoutant : « Nous n’avons pas le droit d’abandonner et de nous taire ».

En Russie, toute participation aux activités d’un média déclaré « indésirable » est passible d’une peine allant jusqu’à quatre ans de prison pour les journalistes et jusqu’à six ans de prison pour ses organisateurs.

Même la publication des articles de Meduza sur les réseaux sociaux par des internautes peut potentiellement être vue comme une « participation » à ses activités et peut entraîner des poursuites judiciaires.

Depuis le début de l’offensive des troupes russes en Ukraine et l’adoption de lois interdisant toute parole critique, plusieurs médias indépendants russes ont été obligés de suspendre leurs activités ou quitter le pays.