(Kyiv) L’Ukraine a été la cible jeudi de nouveaux bombardements russes d’ampleur, qui ont fait au moins 11 morts et 11 blessés et provoqué des pannes de courant, au lendemain de la décision des Occidentaux de livrer des chars lourds à l’armée ukrainienne.

Mercredi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait appelé à fournir ces blindés le plus vite possible, son ministère de la Défense avertissant que les troupes russes, « en supériorité numérique », « intensifiaient » les combats dans l’Est de l’Ukraine.

À Bakhmout, à l’épicentre des affrontements dans l’est de l’Ukraine, Lisa, une médecin, regrettait jeudi matin les tergiversations occidentales sur les chars, estimant que le feu vert « aurait dû être donné plus tôt et pour une plus grande quantité » de ces matériels.  

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Les combats sont toujours en cours à Bakhmout.

« Mais, bien sûr, nous sommes très reconnaissants de ce que nous avons obtenu », ajoutait-elle.

55 missiles

Dans l’immédiat, « 11 personnes ont été blessées et, malheureusement, 11 autres sont décédées », a déclaré le porte-parole des secours ukrainiens, Oleksandre Khorounejy, selon qui les dégâts les plus importants sont dans la région de Kyiv.

Un précédent bilan local faisait état d’un mort et de deux blessés dans la capitale, selon son maire, Vitali Klitschko.

Selon le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, le général Valery Zaloujny, la Russie a tiré jeudi 55 missiles sur l’Ukraine et « 47 ont été détruits, dont vingt » aux abords de Kyiv.

L’Ukraine a aussi dit avoir abattu dans la nuit 24 drones explosifs Shahed, de fabrication iranienne.  

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Une résidante de Hlevakha regarde à l’extérieur de la cuisine d’un immeuble ayant été touché par les frappes russes du 26 janvier.

Des coupures d’électricité « d’urgence » ont été effectuées à Kyiv et dans d’autres régions après que des sites énergétiques ont été « touchés », la Russie essayant de causer « une défaillance systémique » du réseau national, selon le ministre de l’Énergie, Guerman Galouchtchenko.  

Jeudi soir, dans son adresse quotidienne sur l’internet, le président Zelensky a admis « qu’il y a des restrictions d’électricité dans la plupart de nos régions », mais assuré que tout était mis en œuvre afin de réparer le réseau le plus vite possible.  

À Odessa (sud-ouest), malgré « des difficultés », le courant était rétabli à 8 h (heure de l’Est) dans « les hôpitaux » et « les autres infrastructures essentielles de la ville », a annoncé la compagnie d’électricité privée DTEK.

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Des coupures d’électricité « d’urgence » ont été introduites à Kyiv et dans d’autres régions après que des sites énergétiques ont été « touchés », la Russie essayant de causer « une défaillance systémique » du réseau national, selon le ministre de l’Énergie, Guerman Galouchtchenko.  

Les frappes près de cette grande ville portuaire ont eu lieu peu avant que la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, n’y arrive dans la matinée pour discuter avec son homologue ukrainien, Dmytro Kouleba.

Après une série de revers militaires sur le terrain à la fin de l’été et à l’automne, le Kremlin a commencé en octobre à régulièrement frapper les transformateurs et les centrales électriques de l’Ukraine, plongeant à chaque fois des millions de civils dans le noir et le froid.

Le Kremlin accuse

Cette nouvelle vague de bombardements intervient au lendemain du feu vert de Washington et de Berlin au transfert de dizaines de chars lourds à Kyiv, une décision inédite en 11 mois de guerre.  

L’Allemagne compte livrer fin mars ou début avril les premiers Leopard 2 promis.

Le Canada a annoncé son intention de fournir quatre chars du même type à l’Ukraine, a annoncé la ministre de la Défense Anita Anand.  

« Ces quatre chars sont prêts au combat et seront déployés dans les semaines à venir », a ajouté Mme Anand, précisant que le nombre de chars livrés pourrait « augmenter » à l’avenir.

Le Royaume-Uni compte, lui, faire arriver fin mars ses chars Challenger 2 promis à l’Ukraine.

Volodymyr Zelensky, selon lequel il s’agit d’une « étape importante pour la victoire finale », a remercié ses alliés. Mais il a relevé que « la clé » du succès était désormais « la vitesse et le volume » des livraisons, Kyiv demandant des centaines de blindés.  

Le président ukrainien a aussi réclamé des avions de chasse et des missiles de longue portée, autant d’armes que les Occidentaux refusent jusqu’ici de fournir.  

D’ores et déjà, le Kremlin considère que la livraison de chars est la preuve de l’« engagement direct dans le conflit » des Occidentaux. Et « nous voyons que [cet engagement] grandit », a relevé jeudi le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

« Nous ne sommes pas en guerre avec la Russie et aucun de nos partenaires ne l’est », a répliqué la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Anne-Claire Legendre.

« Chair à canon »

Pour l’heure dans l’est, « les combats s’intensifient », a souligné mercredi soir la vice-ministre ukrainienne de la Défense Ganna Maliar.

Les forces russes y sont « en supériorité numérique », a-t-elle dit, citant la zone de Bakhmout, dont les troupes de Moscou tentent de s’emparer depuis plusieurs mois, mais aussi celle autour de Vougledar, une localité au sud-ouest de Donetsk.

Selon l’Institute for the Study of War, la Russie semble multiplier les offensives sur la ligne de front pour « disperser » les forces ukrainiennes afin de « créer les conditions d’une opération offensive décisive ».

Dans une entrevue avec l’AFP à Kyiv, le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés Filippo Grandi a par ailleurs averti que les Européens devaient se préparer à une probable nouvelle vague de déplacés ukrainiens fuyant les combats.

« Toute exacerbation de la guerre risque de provoquer de nouveaux déplacements, d’une manière ou d’une autre, et nous devons nous y préparer », a-t-il déclaré.