(Moscou) Un tribunal russe a ordonné mercredi la dissolution du Groupe Helsinki de Moscou, la plus ancienne ONG de défense des droits humains en Russie, en pleine répression des dernières grandes voix critiques dans le pays.

Le Tribunal municipal de Moscou « a satisfait la requête du […] ministère russe de la Justice » en ordonnant la dissolution de cette ONG et son retrait du registre officiel des personnes morales, a indiqué l’instance judiciaire dans un communiqué sur Telegram.

Les avocats de l’ONG ont aussitôt annoncé leur intention de faire appel de la dissolution.

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a déploré « une nouvelle attaque contre les droits humains en Russie ».

« Le Kremlin étend son agression en Ukraine à la répression politique dans son pays, fait taire les défenseurs des droits humains, réprime la société civile et les voix qui rejettent l’autoritarisme et la guerre », a-t-il écrit sur Twitter.

Fin décembre, le département moscovite du ministère de la Justice avait déposé une requête demandant de « dissoudre le Groupe Helsinki de Moscou et d’interdire ses activités sur le territoire russe ».

L’ONG a été accusée d’avoir mené des activités en dehors de la région de Moscou, en violation de son statut régional, notamment d’avoir envoyé des observateurs à des procès ou ses membres à des évènements dans d’autres régions du pays.

« La vie est longue, toute décision pourrait être révisée et j’espère vivre jusqu’au jour où le Groupe Helsinki de Moscou renaîtra », a déclaré l’avocat Guenri Reznik, cité par l’agence de presse russe Ria Novosti.

Après Memorial

Le Groupe Helsinki de Moscou a été créé en 1976 pour s’assurer du respect par l’URSS de ses engagements en matière de droits humains, pris dans l’Acte final d’Helsinki en 1975 à l’issue de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe.

L’ONG est donc à ce titre la plus ancienne et l’une des plus emblématiques organisations de défense des droits humains en Russie. Elle a été dirigée pendant des décennies par Lioudmila Alexeeva, figure de la dissidence soviétique décédée en 2018.

« La décision prise (par la justice russe) est contraire aux engagements pris par tous les pays de l’OSCE de respecter la liberté de constituer des associations et d’y adhérer », a déploré l’OSCE.

L’OSCE « appelle les autorités russes à reconsidérer et à revenir sur cette décision », a exhorté l’organisation dans un communiqué.

« Le travail visant à défendre les droits humains et le mouvement lui-même ne vont pas s’arrêter là, bien évidemment », a assuré à l’AFP Roman Kiseliov, responsable des programmes juridiques du Groupe Helsinki de Moscou.

Mais comme avec la dissolution prononcée, toutes les activités de l’ONG en Russie deviennent interdites, « on devra prendre une décision sur son avenir », a-t-il reconnu.

La procédure visant le Groupe d’Helsinki de Moscou rappelle celle ayant abouti, à l’hiver dernier, à la dissolution de l’ONG Mémorial, autre pilier de la défense des droits humains et de la mémoire des victimes des crimes soviétiques.

Le régime de Vladimir Poutine a accéléré la répression contre ses détracteurs, dans la foulée de l’offensive du Kremlin en Ukraine.

Les autorités ont ainsi introduit une loi prévoyant jusqu’à 15 ans de prison pour toute publication d’information sur l’armée russe jugée « fausse ». La plupart des figures de l’opposition sont désormais en exil ou en prison.