Le Royaume-Uni a confirmé lundi l’envoi de tanks Challenger 2 en Ukraine et d’autres pays occidentaux sont prêts à lui emboîter le pas avec des chars Leopard 2. Une nouvelle ligne est ainsi franchie dans la guerre avec l’envahisseur russe. Explications.

D’abord, des chars britanniques

Le Royaume-Uni a confirmé lundi l’envoi d’un escadron de 14 chars Challenger 2 en Ukraine et devient le premier pays de l’Occident à le faire. D’autres pays ont exprimé le même vœu. La Pologne songe à envoyer 14 chars Leopard 2 à l’Ukraine, mais sollicite l’autorisation de l’Allemagne. La Finlande se dit aussi prête à faire le saut. « Il y a environ 2000 Leopard 2 stationnés dans différents pays d’Europe. Ils ne sont pas vraiment utilisés alors que l’Ukraine en a cruellement besoin », explique Luciuk Lubomyr, professeur titulaire au Collège militaire royal du Canada.

Pourquoi une autorisation allemande ?

En tant que constructeur des chars Leopard 2, l’Allemagne a son mot à dire sur la réexportation de ce type d’arme offensive. Il y a quelques jours, le ministre allemand de l’Économie et vice-chancelier, Robert Habeck, a indiqué que l’Allemagne ne pouvait « entraver les pays qui ont pris la décision de soutenir l’Ukraine ». L’autorisation officielle reste à venir.

Une décision vendredi ?

Selon Justin Massie, professeur de science politique et spécialiste des conflits armés à l’Université du Québec à Montréal, il y a pression sur l’Allemagne pour qu’elle donne son accord. « L’Allemagne rétorque qu’elle le donnera si les États-Unis donnent aussi des chars », dit-il. Or, sous la gouverne du secrétaire américain à la Défense, Lloyd J. Austin III, le « groupe de contact » mondial sur la défense de l’Ukraine se rencontre le vendredi 20 janvier à la base aérienne de Ramstein, en Allemagne. « On peut penser que les Américains pourraient faire une annonce avec l’Allemagne à cette occasion ou cautionner la décision allemande », observe M. Massie.

Pourquoi parle-t-on d’un tabou levé ?

Parce qu’une telle initiative n’aurait pas passé au début de la guerre. « On franchit une ligne qu’on n’avait pas osé franchir depuis le 24 février 2022, poursuit M. Massie. Depuis cette date, le type d’armes livrées, en quantité comme en qualité, est en hausse constante. On est passé d’armes de combat de rue à des pièces d’artillerie, des véhicules de transport blindés, des véhicules de combat blindés et maintenant des chars. Si on avait annoncé des chars au début du conflit, on aurait craint la réaction russe d’y voir une escalade. »

Pourquoi des chars maintenant ?

Selon certains analystes, la guerre s’enlise avec très peu de mouvements. L’arrivée de chars en Ukraine aiderait à créer un déblocage. Dans une analyse publiée dans le Guardian, Jack Watling, chercheur principal sur la guerre terrestre à la Royal United Services Institute, estime qu’avec des chars, l’Ukraine pourrait mener une offensive printanière salvatrice pour reprendre les territoires envahis par les Russes dans le Donbass. « La Russie est actuellement dans une position défavorable, mais ce n’est pas éternel, croit-il. Le pays a mobilisé 280 000 citoyens l’automne dernier et a la capacité d’en mobiliser d’autres. »

Est-ce simple de donner des chars ?

Non. « Appuyer ces véhicules nécessite une longue chaîne logistique, que ce soit pour ajuster les composantes électroniques, l’optique, l’approvisionnement, l’entretien et autres, observe Rémi Landry, professeur associé à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke et ancien lieutenant-colonel des Forces armées canadiennes. J’ai travaillé en Allemagne sur des bataillons mécanisés. On faisait des opérations avec un régiment de blindés et il était incroyable de voir la chaîne logistique suivant ces véhicules. »

PHOTO COLIN BARRIE, FOURNIE PAR LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

Leopard 2 A6 en exercice à la base des Forces armées canadiennes de Petawawa, en 2016

Le Canada peut-il contribuer ?

Absolument, répond Justin Massie. « Nous avons des Leopard 2 et on peut en donner. Le Canada les a achetés durant la guerre en Afghanistan et en a modernisé une partie. De mon point de vue, il n’y a aucune utilité pour le Canada d’avoir des chars dans des hangars. Ils ne servent à rien. Il n’y a pas de menaces présentement sur le territoire canadien. Selon nos alliances, le seul véritable ennemi terrestre, c’est la Russie. Elle menace nos alliés et intervient en Ukraine. Il serait donc logique que le Canada fournisse ses chars et en profite, à moyen terme, pour acquérir de nouveaux chars. »

Et que fera le pays ?

Lundi, le premier ministre canadien Justin Trudeau n’a pas fermé la porte à un envoi de chars Leopard 2. « On va regarder toutes les demandes nécessaires, a-t-il dit en point de presse à Saskatoon. Il y a des étapes à suivre avant qu’on soit rendus là. Mais nous sommes là pour fournir ce qui est nécessaire à l’Ukraine pour pouvoir battre la Russie. » M. Trudeau faisait écho à un article du Globe and Mail paru dimanche voulant que le président Volodymyr Zelensky s’apprête à demander au Canada de fournir des chars. Le chef conservateur Pierre Poilievre s’est montré tiède par rapport à cette possibilité. « Il faut appuyer les Ukrainiens contre l’invasion, mais en même temps, il faut regarder [notre armée, qui] est en mauvais état », a-t-il fait valoir.

Avec The Globe and Mail, The Guardian, Forbes, l’Agence France-Presse et l’Associated Press

Les chars occidentaux réclamés par l’Ukraine

Fournir l’Ukraine en chars de combat modernes tels le Challenger 2 britannique ou le Leopard 2 allemand signifierait un important bond en avant de l’aide de l’Occident à Kyiv contre l’envahisseur russe.

PHOTO TONY NICOLETTI, ARCHIVES REUTERS

Challenger 2 britannique dans les rues de Bassora, en Irak, en 2003

Challenger 2

Fabrication : britannique

Entrée en service : 1998

Équipage : 4 personnes

Manufacturier : BAE Systems

Armement principal : canon de 120 mm L30

Armement secondaire : 2 mitrailleuses de 7,62 mm

Poids : 62 tonnes

Vitesse de pointe : 56 km/h

Moteur : Perkins Caterpillar diesel 12 cylindres et 1200 chevaux-vapeur

Cuirasse : blindage Chobham de deuxième génération sur la tourelle et la coque

PHOTO MICHAEL SOHN, ASSOCIATED PRESS

Leopard 2 allemand pris en photo près de Hanovre, en Allemagne, en 2011

Leopard 2

Fabrication : allemande

Entrée en service : 2001

Équipage : 4 personnes

Manufacturier : Krauss-Maffei Wegmann

Armement principal : canon lisse de 120 mm L55

Armement secondaire : 2 mitrailleuses de 7,62 mm

Poids : 62 tonnes

Vitesse de pointe : 72 km/h

Moteur : MTU MB 873 diesel 12 cylindres et 1500 chevaux-vapeur

Cuirasse : blindage multicouche espacé et blindage renforcé sur la tourelle avant

En savoir plus
  • 3600
    La compagnie allemande Rheinmetall a fabriqué 3600 chars Leopard 2 dont quelque 2000 sont en Europe. Le Canada en possède 112, soit 92 de combat et 20 d’ingénierie
    SOURCES : FORBES ET MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE