Alors que le président russe, Vladimir Poutine, a décrété jeudi un cessez-le-feu de 36 heures froidement accueilli, les États-Unis et l’Allemagne ont emboîté le pas à la France en annonçant leur intention d’envoyer des véhicules blindés légers en Ukraine.

Les États-Unis prévoient acheminer des dizaines de véhicules blindés de combat Bradley, auxquels s’ajouteraient des HUMVEES, des véhicules antimines (MRAP), des missiles et autres munitions. L’aide frôle les 3 milliards.

L’annonce fait suite à une conversation téléphonique entre le président américain, Joe Biden, et le chancelier allemand, Olaf Scholz, qui ont exprimé leur « détermination commune » à poursuivre le soutien à l’Ukraine.

L’Allemagne enverra de son côté des véhicules de combat d’infanterie Marder et une batterie de missiles de défense Patriots.

PHOTO BADERKHAN AHMAD, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Véhicule blindé de combat Bradley de l’armée américaine, lors d’un exercice avec les Forces démocratiques syriennes, le 8 décembre 2021

Ces annonces suivent celle faite mercredi par le président français, Emmanuel Macron, qui a promis l’envoi de chars de combat léger AMX-10 RC.

« Ce ne sont pas des systèmes très modernes, mais cela constitue un autre symbole très significatif d’appui à l’Ukraine », indique Thomas Hughes, chercheur postdoctorant au Centre for International and Defence Policy de l’Université Queen’s à Kingston.

Le gouvernement allemand faisait face à la pression de l’opposition, mais aussi de membres de sa coalition pour accentuer son aide, parfois considérée comme « timide ».

Le chancelier Olaf Scholz se fait tirer l’oreille depuis des mois pour remettre à l’Ukraine des chars de type Leopard 2, ce à quoi il se refuse toujours.

Or, selon James Cleverly, secrétaire d’État aux Affaires étrangères du Royaume-Uni, l’approvisionnement en chars de l’Ukraine pourrait constituer la « prochaine phase » de l’aide occidentale.

Selon le site Ukraine Support Tracker du Kiel Institute for the World Economy, l’Allemagne arrivait, en date du 24 novembre 2022, quatrième au chapitre de l’aide financière, avec des appuis d’ordre militaire, humanitaire et financier de 5,44 milliards d’euros. Le pays arrive cependant 17e lorsqu’on classe cette aide au regard de son PIB.

Cessez-le-feu qualifié d’hypocrite

Ces annonces ont suivi celle du président russe, Vladimir Poutine, instaurant jeudi un cessez-le-feu de 36 heures à ses troupes afin de permettre de célébrer la Noël orthodoxe, qui tombe le 7 janvier selon le calendrier grégorien.

Décrété pour midi ce vendredi, ce cessez-le-feu doit se terminer à minuit samedi. Dans un communiqué, le président Poutine a indiqué avoir répondu à l’appel du patriarche russe orthodoxe Cyrille de Moscou. Il a appelé les forces ukrainiennes à faire de même.

Kyiv a accueilli avec froideur cette proposition. « La Russie doit quitter les territoires occupés, c’est alors seulement qu’il y aura une “trêve temporaire”. Gardez votre hypocrisie », a réagi sur Twitter Mykhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne.

À Washington, le président Joe Biden a estimé que Vladimir Poutine faisait cette proposition pour « se donner de l’air » tout en rappelant que le président russe « était prêt à bombarder hôpitaux et garderies le 25 décembre et le jour de l’An ».

« Quand on regarde l’action de la Russie depuis dix ans, cette proposition est difficile à croire, dit Thomas Hughes. Je pense que M. Poutine lui-même ne s’attendait à rien. Il s’adresse d’abord à un auditoire intérieur en se montrant comme un bon gars qui propose un cessez-le-feu. »

Onéreux missiles

Par ailleurs, l’annonce de Washington et Berlin sur un nouvel approvisionnement en missiles survient alors que certains remettent en question l’important décalage des coûts entre ceux-ci et les drones de fabrication iranienne qu’utilisent les Russes.

Dans un texte publié mercredi dans le New York Times, Artem Starosiek, président et fondateur de Molfar, organisme ukrainien se décrivant comme une société de renseignement open source, estimait que le prix des missiles utilisés par les Ukrainiens était jusqu’à sept fois supérieur à celui des drones abattus. Dans cette logique, disait-il, l’Ukraine se place en mauvaise posture.

Le taux de succès ukrainien pour intercepter des missiles augmente. Mais un missile qui intercepte un autre missile ou un drone, ça coûte cher ! Ni les Ukrainiens ni l’Occident n’en ont une réserve infinie.

Dominique Arel, titulaire de la Chaire en études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa

Peut-on se tourner vers une technologie moins onéreuse ? se demande Dominique Arel, en suggérant que la réponse se trouve peut-être en Israël.

« L’Iran est l’ennemi juré d’Israël, qui a développé une technologie spécifique pour faire échec aux drones, dit-il. Ce pays pourrait donc contribuer, mais pourvu que ce soit strictement défensif. Car Israël ne veut pas trop se mouiller. Le pays ne veut pas qu’on utilise des armes offensives même à l’intérieur du territoire ukrainien. »

Dans un article publié le 12 octobre 2022 dans le New York Times, un haut fonctionnaire israélien a indiqué, sous le couvert de l’anonymat, qu’Israël partageait avec l’Ukraine des renseignements de base sur les drones iraniens. À ce jour, cette information n’a pas été officialisée.

Avec le New York Times, le Washington Post, le Guardian, l’Agence France-Presse et l’Associated Press

En savoir plus
  • Une ligne rouge à respecter
    « Les pays membres de la coalition en soutien à l’Ukraine ne veulent pas que les Ukrainiens utilisent les armes qu’on leur donne pour attaquer la Russie sur son propre territoire. À l’exception de la Crimée qui n’est pas reconnue comme faisant partie de la Russie. C’est une ligne rouge à ne pas franchir. »
    Dominique Arel, titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa