(Kyiv) Un accord sera nécessaire « au final » pour mettre un terme au conflit en Ukraine, a affirmé vendredi Vladimir Poutine, tout en exprimant des doutes sur la « confiance » que Moscou peut selon lui accorder à ses interlocuteurs.

« Au final il faudra trouver un accord. J’ai déjà dit à plusieurs reprises que nous sommes prêts à ces arrangements, nous sommes ouverts, mais cela nous oblige à réfléchir pour savoir à qui nous avons affaire », a déclaré le président russe, en marge d’un sommet régional au Kirghizstan.

Vladimir Poutine réagissait à de récents propos de l’ex-chancelière allemande Angela Merkel qui a estimé que l’accord de Minsk de 2014 entre Moscou et Kyiv, signé sous l’égide de l’OSCE, avait donné du temps à l’Ukraine pour se renforcer en cas de conflit armé avec la Russie.

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Le président russe Vladimir Poutine

« L’accord de Minsk de 2014 était une tentative de donner du temps à l’Ukraine. Elle en a profité, comme on le voit aujourd’hui. L’Ukraine de 2014/2015 n’est pas l’Ukraine d’aujourd’hui. […] Comme on l’a vu début 2015, Poutine aurait pu facilement l’écraser à l’époque », a-t-elle affirmé au journal Die Zeit.

Vladimir Poutine s’est dit « déçu » par ces propos. « Cela soulève évidemment la question de la confiance. Et la confiance est quasiment à zéro et après de telles déclarations, la question est bien sûr la suivante : Comment trouver un accord ? Et peut-on s’entendre avec quelqu’un ? Et avec quelles garanties ? »

« Peut-être que nous aurions dû commencer tout cela plus tôt [l’offensive en Ukraine]. Mais nous comptions en fait sur la possibilité de trouver une entente dans le cadre des accords de Minsk », a-t-il encore ajouté.

Nouvelle aide américaine

Les États-Unis vont envoyer à l’Ukraine une nouvelle aide de 275 millions de dollars pour « doper » sa défense contre les drones en particulier, a annoncé vendredi un porte-parole de la Maison-Blanche.

« Une nouvelle aide militaire valorisée à 275 millions de dollars va bientôt être envoyée pour donner à l’Ukraine de nouvelles capacités dopant sa défense antiaérienne et lui permettant de faire face aux menaces venues des drones », a dit John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de l’exécutif américain.

La Maison-Blanche a en parallèle mise en garde contre le « partenariat militaire à grande échelle » entre Moscou et Téhéran, le qualifiant « néfaste » pour l’Ukraine, les pays voisins de l’Iran et « la communauté internationale ».

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L'Iran fournit des drones à l'armée russe pour soutenir son invasion de l'Ukraine.

Mentionnant en particulier l’utilisation par l’armée russe de drones iraniens en Ukraine, John Kirby a estimé qu’en retour, la Russie « offre à l’Iran un niveau sans précédent de soutien militaire et technique » ce qui « transforme leur relation en un partenariat de défense plein et entier. »

Selon le renseignement américain, Moscou et Téhéran envisagent en particulier de lancer une production commune de drones en Russie, a indiqué John Kirby.

En retour, Moscou envisage, selon les États-Unis, de fournir à l’Iran des équipements « sophistiqués », des hélicoptères, des systèmes de défense antiaérienne et des avions de combat, a encore dit le porte-parole.

Il a rappelé que selon Washington, l’Iran envisageait toujours de vendre à la Russie des « centaines » de missiles balistiques.

John Kirby a par ailleurs fait savoir que les États-Unis allaient sanctionner « trois entités basées en Russie » particulièrement actives dans « l’acquisition et l’utilisation de drones iraniens ».

Les infrastructures énergétiques « pratiquement détruites » à Kherson

Les infrastructures énergétiques ukrainiennes autour de Kherson ont été « pratiquement détruites » lors du retrait des forces russes et la situation est « compliquée » à Odessa, ciblée par des frappes, a indiqué vendredi l’opérateur national Ukrenergo.

« Lundi, l’ennemi a encore frappé. Ce fut encore les installations d’Ukrenergo, les sous-stations de la ligne principale, en particulier dans le sud de l’Ukraine, et les centrales électriques qui ont été endommagées », a déploré son chef, Volodymyr Koudritskiï lors d’une conférence de presse.

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Oksana Oliinyk marche dans une rue où des bâtiments ont été détruits par des frappes russes, le 7 décembre dans le village de Posad-Pokrovske, dans la région de Kherson.

Selon lui, « le travail réussi » de la défense antiaérienne ukrainienne a évité que plus de frappes russes ne touchent leurs cibles et endommagent encore plus le réseau énergétique national, déjà détruit à 40 % selon les autorités ukrainiennes.

« Plus d’un millier de missiles et de drones » ont été tirés par la Russie « depuis le 10 octobre », date des premières attaques russes d’ampleur sur les sites énergétiques ukrainiens, a-t-il précisé aux journalistes.

Selon lui, la situation la plus difficile, « c’est à Odessa (Sud-Ouest) et dans la région de Kherson où le réseau électrique a été pratiquement détruit ».

Lors d’une réunion gouvernementale, le premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, a ajouté les régions de Donetsk (Est) et Kharkiv (Nord-Est) aux zones où les problèmes d’électricité sont les plus graves, « l’ennemi attaquant presque tous les jours avec de l’artillerie les installations énergétiques et les réseaux de distribution ».

Sur place, « la situation est rendue encore plus compliquée par les conditions météorologiques qui ralentissent les travaux de réparation », a-t-il souligné vendredi.

« Cet hiver, nous vivrons constamment dans des conditions de restrictions de consommation d’électricité », a-t-il encore indiqué.

M. Koudritskiï, de son côté, a par ailleurs indiqué que « pratiquement toutes les centrales hydroélectriques [ukrainiennes] ont également été endommagées et ont une capacité de production d’électricité limitée » à la suite de frappes russes qui ont plongé des millions d’Ukrainiens dans le noir et dans le froid.

Il a noté qu’il était « possible techniquement d’importer » de l’électricité d’autres pays européens, mais « le problème est que l’électricité européenne est beaucoup plus chère que l’électricité ukrainienne », a-t-il déploré.

Jeudi, le président russe Vladimir Poutine avait assuré que son armée allait poursuivre ses frappes contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes, en représailles selon lui aux attaques que Moscou impute à Kyiv notamment contre le pont de Crimée, partiellement détruit début octobre lors d’une attaque au camion piégé.

Deux employés de la centrale de Zaporijjia détenus

L’Ukraine a accusé vendredi la Russie de détenir deux employés de la centrale nucléaire de Zaporijjia, occupée militairement par Moscou, après les avoir « violemment passés à tabac ».

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La centrale nucléaire de Zaporijjia

Jeudi, « l’armée russe a fait irruption dans les locaux où se trouve le Département des programmes sociaux de la centrale et, en présence d’autres employés, a violemment frappé le chef du département, Oleksiï Troubenkov, et son adjoint, Iouriï Androsov », a déploré l’opérateur nucléaire Energoatom dans un communiqué.

« Après ce violent passage à tabac », les Russes « les ont fait sortir et les ont emmenés dans une direction inconnue », a dénoncé Energoatom.

Le responsable de la sûreté nucléaire de la centrale, Konstantin Beiner, a également été « jeté au sous-sol », selon Energoatom, mais n’est pas détenu par les forces russes.

L’opérateur nucléaire ukrainien Energoatom a accusé les soldats de Moscou, qui occupent le site depuis début mars, de « se déchaîner et se transformer en véritables policiers et geôliers », « intensifiant la répression » des employés.

Ce n’est pas la première fois que Kyiv accuse Moscou de malmener le personnel ukrainien sur le site de la plus grande centrale nucléaire d’Europe. Fin septembre, son directeur général avait été arrêté par les forces russes, avant d’être libéré quelques jours plus tard.

Depuis plusieurs mois, l’Ukraine et la Russie s’accusent mutuellement de bombardements autour de la centrale de Zaporijjia, située non loin de la ligne de front, faisant craindre la survenue d’un accident d’ampleur.

Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la Russie a positionné 500 soldats russes sur le site.

Les appels à démilitariser les lieux se sont multipliés par l’Agence internationale de l’énergie atomique et la communauté internationale (AIEA), sans succès jusqu’ici.