(Paris) Au procès du sanglant attentat de Nice (sud-est de la France), l’accusation a surpris mardi en demandant à la cour d’assises spéciale de Paris de condamner Ramzi Arefa, l’un des trois accusés poursuivis pour « association de malfaiteurs terroriste », pour une « simple association de malfaiteurs de droit commun ».

Ramzi Arefa « ne pouvait pas connaître la radicalisation » du tueur Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qui a causé la mort de 86 personnes et en a blessé plus de 450 au volant de son camion de 19 tonnes sur la promenade des Anglais à Nice le 14 juillet 2016, a estimé le ministère public, qui a néanmoins réclamé 15 ans de détention à son encontre comme pour les deux autres accusés poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste, Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud.

Ces deux derniers « n’ignoraient pas la capacité [de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel] à commettre des actes en lien avec son idéologie radicale », a affirmé Jean-Michel Bourlès, l’un des trois avocats généraux du parquet national antiterroriste (Pnat) français, au terme de son réquisitoire. « Le doute n’est pas permis. Ils ont agi en connaissant ses discours, sa fascination, sa proximité avec l’État islamique » (EI, organisation djihadiste).

En revanche, a poursuivi l’avocat général, Ramzi Arefa, accusé d’avoir fourni une arme à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, « ne pouvait pas connaître l’évolution et la radicalisation » du tueur, en raison de ses liens « récents » et moins fréquents avec lui.

En conséquence, « nous vous demanderons de condamner Ramzi Arefa pour une simple infraction d’association de malfaiteurs de droit commun et non pour association de malfaiteurs terroriste criminelle », a-t-il dit, provoquant des réactions stupéfaites sur les bancs des parties civiles.

Le ministère public a réclamé 15 ans de prison à l’encontre de Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud en estimant que leur « proximité réelle » avec le tueur, la « connaissance de sa radicalisation », leur association « à des degrés divers » à la location du camion utilisé pour l’attentat et leurs « démarches positives pour [lui] fournir une arme » les rendaient bien coupables d’association de malfaiteurs terroriste.

À l’encontre des cinq accusés, dont quatre Albanais, poursuivis pour des délits de droit commun relatifs au trafic d’armes, le Pnat a requis des peines allant de 2 ans à 10 ans de prison, avec interdiction définitive du territoire français pour trois des quatre Albanais.

Jean-Michel Bourlès et ses collègues du Pnat, Alexa Dubourg et Rachel Lecuyer, ont déployé durant près de huit heures des réquisitions soulignant notamment que les accusés devaient être jugés « exclusivement pour les faits qui leur sont reprochés ».

« Singularité de l’horreur »

« Il y aura des frustrations, c’est inévitable », a lancé Alexa Dubourg en ouvrant le réquisitoire à trois voix du Pnat, rappelant qu’« aucun » des huit accusés devant la cour d’assises spéciale de Paris ne pouvait être jugé « comme s’il était l’auteur de l’attentat ».

Le Pnat a contredit ceux qui estiment que les accusés sont là « parce qu’on a cherché des boucs émissaires et qu’on a voulu un procès à tout prix ». « Il y avait des charges suffisantes pour qu’un procès se tienne. […] Personne ne peut venir dire que le dossier est vide », a assuré Mme Dubourg.

Elle a rappelé « la singularité de l’horreur » de cet attentat, qui avait pris pour cible « des familles ». Quinze enfants et adolescents ont été tués par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel.

Si la représentante du Pnat a défendu le principe des autopsies judiciaires, parfois « nécessaires », elle a admis que le Pnat avait « failli » dans son « obligation légale » d’information des familles des victimes, ce qui avait engendré « une souffrance supplémentaire » et « une rupture de confiance avec l’institution judiciaire ».

Les réquisitions ont provoqué la perplexité des parties civiles, qui ont assisté à l’audience depuis la salle délocalisée du palais Acropolis à Nice.

« J’espère que la cour sera plus sévère que les réquisitions, je ne comprends pas ces peines demandées après tout ce qui a été dit à l’audience », a ainsi déploré Anne Murris, 62 ans, présidente de l’association Mémorial des Anges, qui a perdu sa fille Camille ce 14 juillet 2016.

Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud risquent 20 ans de prison maximum. Ramzi Arefa encourt quant à lui la réclusion à perpétuité, car il est en état de récidive légale en raison d’une condamnation pour vol en 2014.

Après le réquisitoire et les plaidoiries de la défense, prévues du 7 au 9  décembre, les accusés auront une dernière fois la parole, le 12  décembre, avant que la cour se retire pour délibérer.  

Le verdict est attendu le mardi 13  décembre.