(Genève) « L’ampleur » des discours de haine raciale en France inquiète le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), qui salue les efforts déployés par les autorités.

Les 18 experts indépendants du CERD ont émis une série d’observations et de recommandations, à la suite de l’examen régulier, les 15 et 16 novembre, de la politique française envers ses minorités. Ils ont noté « la détermination et la volonté politique du Gouvernement français pour ce qui est de lutter contre le racisme et la discrimination raciale sous toutes leurs formes ».

Toutefois, le comité « demeure préoccupé par la persistance et l’ampleur des discours à caractère raciste et discriminatoire, notamment dans les médias et sur l’internet », en dépit des efforts dans la lutte contre les discours de haine raciale.

Le comité dénonce aussi « le discours politique raciste tenu par des responsables politiques », dont les noms ne sont pas cités, à l’égard de certaines minorités ethniques, en particulier les Roms, les gens du voyage, les personnes africaines ou d’ascendance africaine et les personnes d’origine arabe.

« […] Nous n’allons pas citer de noms », mais « vous avez certainement vu […] des discours de haine », a déclaré un des experts du comité, Bakari Diaby, en conférence de presse.

« Nous avons saisi cette opportunité de l’examen de la France pour interpeller les autorités pour que cela soit mieux encadré » et que des enquêtes soient ouvertes à l’encontre de ceux qui auraient des propos pouvant pousser à la violence, a-t-il ajouté.

Le comité demande à la France de « redoubler d’efforts pour prévenir et combattre efficacement les discours de haine raciale », y compris par l’application effective de la législation, et de sanctionner toute manifestation de racisme et de haine raciale dans les espaces publics, notamment dans les médias et sur l’internet.

Menaces contre Assa Traoré

Il est aussi préoccupé par l’exclusion sociale et la pauvreté persistantes que subissent les Roms et les gens du voyage.  

Les violences policières et le profilage racial alarment également les experts du comité, auquel tous les États parties de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales sont tenus de présenter des rapports réguliers.

Le comité met en exergue « le recours fréquent » par les forces de l’ordre aux « contrôles d’identité, à des interpellations discriminatoires, ainsi qu’à l’application des amendes forfaitaires délictuelles […], ciblant de manière disproportionnée certaines minorités, en particulier les personnes africaines, d’ascendance africaine, d’origine arabe, les Roms, les gens du voyage et les non ressortissants » français.

Il se dit préoccupé particulièrement par l’absence de contrôle judiciaire et de traçabilité de ce type de contrôles d’identité, « lesquels sont souvent accompagnés de propos et d’actes racistes et discriminatoires ».

Les experts demandent à la France d’inclure dans sa législation la définition et l’interdiction du profilage racial ou ethnique et de veiller à ce que soient mises à disposition de la police et des autres agents des forces de l’ordre « des directives claires » sur le sujet.

Dans ses observations finales, le comité relève avec préoccupation la mort d’Adama Traoré, un jeune homme noir qui a perdu la vie en 2016 à la suite de son interpellation par des gendarmes et dont la cause de sa mort est toujours en cours de détermination, et demande que l’enquête soit conclue.

Il se dit par ailleurs gravement préoccupé par le fait qu’Assa Traoré, qui a fourni aux experts des informations concernant son frère, « a été victime de messages diffamatoires et de menaces en ligne, en particulier dans le compte Twitter des syndicats de la police ».

Sa sécurité doit être garantie et des enquêtes doivent être effectuées, exigent les experts.