À l’approche de l’hiver, le gouvernement pro-européen en place en Moldavie doit se méfier des conséquences de la crise énergétique qui frappe actuellement le pays. Car cela risque d'attiser le mécontentement de la population qui, aux prochaines élections, pourrait se tourner vers l’opposition… prorusse.

« Si l’électricité et l’eau chaude sont coupées dans les maisons, l’hiver ne sera pas seulement difficile pour le peuple. Il le sera aussi pour les élus au pouvoir et les gouvernements occidentaux qui les appuient », indique Stefan Morar, candidat au doctorat au département de science politique de l’Université de Montréal.

Comme dans n’importe quelle démocratie, une économie chancelante ayant un impact sur les finances des familles peut nourrir le mécontentement populaire. Et les électeurs insatisfaits sont tentés d’aller voir ailleurs.

Personne ne veut que la Moldavie recule et devienne prorusse au milieu de l’offensive de la Russie en Ukraine. L’État est relativement stable actuellement ça doit rester ainsi. Autrement, de gros problèmes risquent de survenir.

Stefan Morar, candidat au doctorat au département de science politique de l’Université de Montréal

Les prochaines élections, à l'échelle des municipalités, auront lieu en 2023.

Pannes d’électricité massives

Crise énergétique ? En effet ! La Moldavie et sa population de 2,6 millions de personnes constituent une victime collatérale de premier plan de la guerre menée par la Russie en Ukraine.

« Depuis le 16 mars, la Moldavie et l’Ukraine ont délaissé le réseau électrique les reliant à la Russie et à la Biélorussie pour celui de l’Europe, note M. Morar. Mais comme la Russie a commencé à attaquer l’infrastructure énergétique en Ukraine, cela a des conséquences sur la Moldavie. »

Encore mercredi, la Moldavie, petit pays de 33 800 km2 enclavé entre l’Ukraine et la Roumanie, a enregistré des « pannes d’électricité massives » en raison de bombardements russes en Ukraine.

« À la suite de bombardements de la Russie contre le système énergétique ukrainien au cours de la dernière heure, nous avons des pannes d’électricité massives dans tout le pays », a indiqué sur Facebook Andrei Spînu, vice-premier ministre de Moldavie.

« Tous les services publics ont été arrêtés durant une heure : l’eau, le drainage, les télécommunications, le transport, etc. », indique Stefan Morar, que La Presse a joint au téléphone à Bucarest. Pour les besoins de son doctorat, ce dernier a passé une bonne partie des dernières années en Transnistrie, région séparatiste autoproclamée de la Moldavie et alignée sur Moscou.

Par ailleurs, Gazprom, le géant russe du gaz naturel, a, depuis le début de la guerre, réduit de moitié l’approvisionnement en gaz naturel en Moldavie… qui n’a pas de capacité de stockage.

La Roumanie a pris le relais et devrait être en mesure de maintenir les niveaux d’approvisionnement de la Moldavie en gaz cet hiver.

Mais, sans surprise, tous ces changements ont un impact à la hausse, pour ne pas dire stratosphérique, sur les prix.

« Par rapport à la même période en 2021, les prix du gaz ont augmenté de 500 %. Et les prix de l’électricité, d’environ 75 %, poursuit Stefan Morar. Certains experts moldaves estiment que les dépenses pour l’énergie vont représenter 7 % du PIB, ce qui est évidemment beaucoup trop. Elles ne pourront être payées sans aide extérieure. »

Conférence de Paris

C’est pour cette raison que 34 États, dont le Canada, et une quinzaine d’organisations internationales étaient réunis lundi à Paris. Il s’agissait de la troisième rencontre en huit mois de ce qu’on appelle la « plateforme internationale de soutien à la Moldavie ».

Deux objectifs étaient au cœur des discussions : apporter une aide financière supplémentaire à la Moldavie et l’accompagner dans sa démarche pour grossir les rangs de l’Union européenne, un processus qui prend normalement des années.

La France a promis une nouvelle aide de 100 millions d’euros. Plus de 1,2 milliard avait été promis aux deux conférences précédentes, à Bucarest et à Berlin. Mais ce n’est pas encore suffisant pour aider la Moldavie, considérée comme le pays le plus pauvre de l’Europe en matière de PIB par habitant.

Dans une entrevue accordée lundi à l’AFP, le ministre moldave des Affaires étrangères, Nicu Popescu, a estimé qu’il y avait encore un manque à gagner de 1,1 milliard d’euros pour couvrir la hausse des coûts de l’énergie.

La Moldavie fera-t-elle face à un dur hiver ? Selon Stefan Morar, ce n’est pas la première fois que ses habitants font face à une telle situation. « Plusieurs font des provisions de charbon et de bois », dit-il. Mais il ajoute que des statistiques indiquent que 75 % des familles moldaves n’ont pas les revenus nécessaires pour payer leurs factures d’énergie. De quoi alimenter leur mécontentement !

Avec l’Agence France-Presse et Le Monde

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  • 90 000
    Nombre de réfugiés accueillis par la Moldavie depuis le début de la guerre en Ukraine
    Source : relief web