(Moscou) « La victoire sera à nous ! », a lancé vendredi le président russe Vladimir Poutine après avoir officialisé l’annexion de quatre territoires ukrainiens, suscitant un concert de condamnations internationales et la bravade de Kyiv, qui a promis de continuer à libérer ses terres.

Le président russe s’est exprimé lors d’un concert festif sur la place Rouge à Moscou, devant plusieurs milliers de personnes qui agitaient des drapeaux russes, alors qu’au même moment son armée éprouve des difficultés en Ukraine.

« Bienvenue à la maison », a aussi déclaré Vladimir Poutine à l’adresse des habitants des territoires ukrainiens annexés, affirmant que la Russie leur ouvrait « son cœur ».

Le même jour, une frappe de missiles particulièrement meurtrière a fait au moins 30 morts parmi des civils dans une zone sous contrôle ukrainien près de Zaporijjia, dans le sud de l’Ukraine.

PHOTO KATERYNA KLOCHKO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Au moins 30 personnes ont été tuées et 88 autres blessées dans cette frappe, selon le parquet ukrainien, les deux camps se rejetant la responsabilité du bombardement.

Peu avant le concert, lors d’une cérémonie au Kremlin, M. Poutine a signé les documents d’annexion, aux côtés des dirigeants des régions séparatistes d’Ukraine de Donetsk et Louhansk, et de celles occupées par les troupes russes de Zaporijjia et de Kherson.

Dans son discours, M. Poutine a appelé Kyiv à cesser « toutes les hostilités et à revenir à la table des négociations », malgré les récents revers infligés à l’armée russe par les forces ukrainiennes, auxquels s’ajoute depuis vendredi l’encerclement partiel de la ville stratégique de Lyman, dans l'est du pays, par les Ukrainiens.

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Dans son discours, le président russe Vladimir Poutine a appelé Kyiv à cesser « toutes les hostilités et à revenir à la table des négociations ».

Les soldats russes à Lyman, un important nœud ferroviaire, combattent « à bout de force » et la situation y est « difficile », a reconnu vendredi un haut responsable séparatiste prorusse, Denis Pouchiline.

Pour sa part, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est félicité des « résultats significatifs » de la contre-offensive de ses troupes.  

« Nous avons des résultats significatifs dans l’Est du pays […] Tout le monde a entendu ce qui se passe à Lyman, dans la région de Donetsk. Ce sont des étapes qui comptent beaucoup pour nous », s’est-il réjoui dans son allocution quotidienne publiée sur les réseaux sociaux.

Auparavant, il avait rejeté toute négociation avec Moscou tant que Vladimir Poutine sera président, tout en annonçant qu’il allait « signer la candidature de l’Ukraine en vue d’une adhésion accélérée à l’OTAN ».

À Washington, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a assuré que son pays et le Canada sont favorables à cette adhésion.  Il s'est exprimé à ce sujet à l’issue d’une entrevue avec la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

Nous soutenons fermement l’entrée dans l’OTAN de pays qui souhaitent y adhérer et qui peuvent y apporter leurs capacités.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken

« Il existe un processus pour cela et les pays continueront à suivre ce processus », a-t-il ajouté.

Le président américain Joe Biden a juré d’« appuyer les efforts de l’Ukraine pour regagner le contrôle de son territoire » et affirmé que les États-Unis et leurs alliés ne se laisseraient pas « intimider » par le président Poutine.  

Son conseiller pour la sécurité nationale à la Maison-Blanche, Jake Sullivan, a indiqué qu’il y aurait « une annonce, la semaine prochaine, d’une assistance sécuritaire immédiate » en faveur de l’Ukraine.  

Condamnations et sanctions

Les dirigeants des pays de l’UE ont publié vendredi une déclaration « rejetant » et « condamnant » cette « annexion illégale ».  

L’OTAN a dénoncé une annexion « illégitime », tandis qu’à New York le Conseil de sécurité de l’ONU a examiné une résolution condamnant les « pseudo-annexions » en Ukraine, qui a immédiatement été bloquée par un veto de la Russie.  

PHOTO DMITRY SEREBRYAKOV, ASSOCIATED PRESS

Une foule de quelques milliers de personnes s’approchait, en début de soirée, de l’emblématique place Rouge, avec des drapeaux russes.

En dehors du veto russe, la résolution a recueilli 10 voix en sa faveur et quatre pays se sont abstenus (la Chine, l’Inde, le Brésil et le Gabon).  

Dans son discours au Kremlin, M. Poutine a fustigé l’Occident, qu’il a accusé de vouloir préserver un « système néocolonial qui lui permet de parasiter et, en réalité, de piller le monde entier ».

Ces annexions interviennent après sept mois d’offensive russe en Ukraine et des « référendums » organisés en urgence dans les régions occupées, qui ont été dénoncés comme des « simulacres » par Kyiv et ses alliés.

Signe de cette précipitation et d’une certaine désorganisation, le porte-parole du Kremlin a annoncé devoir « clarifier » si la Russie annexait la totalité des régions ukrainiennes de Kherson et de Zaporijjia, ou uniquement les parties qu’elle occupe effectivement.

Balayant les critiques, M. Poutine a assuré qu’il « n’aspirait pas » à restaurer l’URSS. Il a également signé un décret facilitant l’accès à la nationalité russe pour les étrangers s’engageant dans l’armée, une mesure destinée visiblement à recruter des migrants venus d’ex-URSS travaillant en Russie.

Frappe meurtrière

Dans les rues de Moscou, Ildar Babaïev, un militaire de 38 ans, a dit à l’AFP qu’il trouvait « formidable » les annexions. « Cela aurait dû être fait il y a longtemps, il y a huit ans, en fait », lors du premier conflit entre Kyiv et les séparatistes prorusses, a-t-il ajouté.

En Ukraine, le même jour, au moins 11 civils ont été retrouvés morts sur une route, tués par balles, après le retrait des troupes russes d’une grande partie de la région de Kharkiv, a constaté une équipe de l’AFP.

Depuis le début de l’offensive, Kyiv a dénoncé des exactions de l’armée russe, des accusations systématiquement rejetées par Moscou.  

Dans une zone restée sous contrôle ukrainien de la région de Zaporijjia, l’un des quatre territoires annexés par Moscou, au moins 30 personnes ont été tuées et 88 blessées par une frappe russe, selon la police ukrainienne. Un responsable prorusse en a, en retour, accusé les forces ukrainiennes.

Les journalistes de l’AFP ont vu une quinzaine de voitures aux vitres soufflées et au moins trois cadavres de femmes au sol. Les gens attendaient ici la permission pour retourner dans les territoires sous contrôle russe.