En violation du droit international, la Russie entend annexer près de 100 000 km2 du territoire ukrainien ce vendredi dans une cérémonie qui doit avoir lieu au Kremlin.

Les quatre régions visées – Donetsk et Louhansk, dans l’Est, et Kherson et Zaporijjia, dans le Sud – ont fait récemment l’objet de « référendums » menés par des militaires russes armés et condamnés par l’essentiel de la communauté internationale.

La capitale russe se préparait à des festivités pour marquer l’annexion. Vendredi, un concert sera organisé et Vladimir Poutine pourrait y faire une apparition, selon les médias russes.

L’un des effets immédiats de l’annexion par la Russie est de réduire les perspectives d’un accord de cessez-le-feu entre l’Ukraine et la Russie, note Aurélie Campana, professeure spécialiste des violences politiques et de la Russie à l’Université Laval.

À court terme, des négociations ne sont plus possibles. On entre dans une zone de grande incertitude. Je ne sais pas trop où ça nous mène, mais ça va brasser.

Aurélie Campana, professeure spécialiste des violences politiques et de la Russie à l’Université Laval

Incorporer ce territoire à la Russie fera en sorte que la contre-offensive menée par l’armée ukrainienne pénétrera dans ce que les Russes considèrent comme leur territoire, fait-elle remarquer.

« Aussi, les hommes qui résident dans ces territoires pourront être mobilisables pour combattre les Ukrainiens. Beaucoup disent que la mobilisation les concernera en premier lieu pour essayer de créer de la division au sein des Ukrainiens et de la cohésion au sein de ces régions-là. »

PHOTO SPUTNIK, REUTERS

Le président de ;a Russie Vladimir Poutine a reconnu l’indépendance des régions ukrainiennes de Zaporijjia et de Kherson, selon des décrets présidentiels publiés jeudi soir, à la veille de la finalisation de leur annexion par la Russie.

Armes nucléaires

Le gouvernement russe a fait savoir depuis une semaine que toute attaque contre son territoire pourrait donner lieu à l’utilisation d’une vaste gamme de mesures de représailles, notamment l’utilisation de l’arme nucléaire.

Mercredi dernier, Poutine avait déclaré à ce sujet : « Ceux qui essaient de nous faire chanter avec des armes nucléaires devraient savoir que les vents dominants peuvent tourner dans leur direction. »

Justin Massie, professeur de science politique à l’UQAM et codirecteur du Réseau d’analyse stratégique (RAS), note que l’objectif derrière cette position est de diviser les Occidentaux, « l’une des dernières cartes » dans le jeu de Vladimir Poutine.

« Il menace de faire escalader les choses pour faire craindre le pire et limiter le soutien occidental aux Ukrainiens, qui est l’une des principales raisons du succès de la contre-offensive. »

Le soutien va-t-il s’effriter ? « Dans des endroits comme I’Italie, qui vient d’élire un gouvernement d’extrême droite, ça peut avoir un impact. Mais ce sont les États-Unis qui fournissent le gros du matériel militaire, et ils viennent d’annoncer un soutien rehaussé, avec des lance-roquettes HIMARS, donc ils ne semblent pas dissuadés, au contraire. »

« Dangereuse escalade »

Jeudi, António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a vivement critiqué l’annexion unilatérale menée par Moscou.

« Cela s’oppose à tout ce que la communauté internationale est censée représenter. Cela bafoue les buts et les principes des Nations unies. C’est une dangereuse escalade. Cela n’a pas de place dans le monde moderne. Cela ne doit pas être accepté », a déclaré le secrétaire général.

La veille, les États-Unis, le Canada, le Danemark, la Pologne, la Bulgarie, et l’Estonie ont demandé à leurs ressortissants de quitter la Russie et de ne pas y planifier de voyage.

L’Ukraine a, elle, dénoncé ces annexions et balayé les menaces de recours à l’arme nucléaire de Poutine, poursuivant sa contre-offensive dans l’est et le sud du pays.

Sur le terrain, les bombardements russes continuaient de frapper les villes ukrainiennes, tuant notamment un enfant dans la nuit à Dnipro. Au moins cinq civils ont également été tués dans la partie sous contrôle ukrainien de la région de Donetsk.

La Finlande ferme sa frontière aux Russes

Entre 7000 et 8000 citoyens russes traversent chaque jour la frontière avec la Finlande depuis l’annonce de la mobilisation militaire annoncée par Vladimir Poutine la semaine dernière. Mais la voie va devenir encore plus compliquée, après la décision d’Helsinki de fermer la frontière à compter de minuit, vendredi matin, aux Russes munis de visas de tourisme européens de l’espace Schengen. « Je viens de passer, je ne sais pas comment les autres vont faire. C’est triste, triste », a confié à l’AFP Andreï Stepanov, un Russe de 49 ans, à propos des nouvelles restrictions finlandaises.

Avec l’Agence France-Presse

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